dans un amphithéâtre y avait un macchabée

291views, 7 likes, 3 loves, 0 comments, 1 shares, Facebook Watch Videos from Un macchabée dans la baignoire: Merci à l’équipe de « Y’a t-il un homme Yavait un macchabée (ter) Accablé, un flippé, un speedé tsoin tsoin. Pompons la merde, pompons la gaiment. Et envoyons au bain ceux qui sont pas des frères. Pompons la merde, pompons la gaiment. Envoyons sur les roses ceux qui sont pas contents. O muse prète-moi ta lyre. Qu'afin en vers je puisse dire. Visualising European Crime Fiction: New Digital Methods and Approaches to the Study of Transtional Popular Culture" is a Project funded by the UK's Arts and Humanities Research Council. Dansun amphitheatre Y'avait un macabé Ce macabé disait Il disait Tsoin tsoin Ah s'qu'on s'emmerde ici Merde ici Tsoin tsoin. Interprète. Jo Destré et ses Joyeux Lurons. Label. VIR. Paroles ajoutées par nos membres-A + Ajouter à la playlist. Envoyer à un ami Corriger imprimer. écouter la playliste. Tu vas aussi aimer. DIE Gazo. PAROLES DE CHANSONS SIMILAIRES. top 100 DIE Gazo. top 100 Dansun amphithéâtre Extraits MP3: [Sol] Dans un am[Re] phithéâtre Dans un am[Sol] phithéâtre [Mi7] Dans Tsouin,[Sol] tsouin! Y'avait un macchabée (Ter) Macchabée (Ter) Tsouin, tsouin Qui sentait fort des pieds (Ter) Fort des pieds (Ter) Tsouin, tsouin Ce macchabée disait (Ter) Il disait (Ter) Tsouin, tsouin Ce macchabée gueulait (Ter) Il gueulait (Ter) Tsouin, Forum De Site De Rencontre Gratuit. l'essentiel Le cimetière Saint-Dalmaze à Cagnac-les-Mines est aujourd'hui au centre de toutes les attentions. Les dernières recherches des enquêteurs se sont concentrées dans ce secteur proche du domicile des Jubillar et à la topologie complexe, que Cédric, l'époux de Delphine qui fait figure de principal suspect, connaît particulièrement bien. Les dernières recherches des gendarmes et militaires mobilisés, fin juin, pour retrouver le corps de Delphine Jubillar, cette infirmière tarnaise de 34 ans, disparue en décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, se sont concentrées autour du cimetière de la commune. Le site et ses alentours suscitent à nouveau l’intérêt des enquêteurs pour plusieurs raisons. D’abord, parce que cette zone se situe dans un périmètre de 2 km autour de la maison familiale des Jubillar, à Cagnac-les-Mines, qui correspond aux derniers bornages du téléphone portable, toujours introuvable, de l’infirmière. Ensuite, parce qu’autour de ce cimetière, non loin des panneaux photovoltaïques, se trouvent de nombreuses cavités et puits, héritage de l’ancien bassin minier, qui pourraient avoir échappé à tout recensement municipal. Une zone déjà fouillée par les enquêteurs mais qui n'a peut-être pas encore révélé tous ses secrets. A lire aussi Affaire Jubillar les enquêteurs peuvent-ils faire ouvrir des tombes au cimetière de Cagnac-les-Mines ? Cédric Jubillar, familier des lieux Enfin, le cimetière de Saint-Dalmaze est loin d’être un lieu inconnu pour Cédric Jubillar, le mari de Delphine, qui est aujourd'hui le principal suspect dans cette affaire. Trois mois après la disparition de l'infirmière, en mars 2021, une de ses amies avait poussé le peintre plaquiste à participer avec elle à des recherches autour du cimetière. Ce dernier lui avait montré les joints des tombes et avait ouvert le tiroir d'une d'entre elles. "J'en ai parlé à l'époque aux enquêteurs", explique-t-elle à La Dépêche du Midi. Elle a été réentendue en février dernier. En mai 2021, soit quelques semaines avant son interpellation et sa mise en examen pour "homicide volontaire par conjoint", Cédric Jubillar s'était à nouveau rendu au cimetière Saint-Dalmaze, cette fois en compagnie d’un proche, pour lui faire la démonstration qu’il y a “plein d’endroits pour cacher un corps”. Il faisait alors référence à une petite structure en béton complètement défoncée, au cœur de ce cimetière et sous laquelle, selon lui, on pouvait avoir enfoui le corps de Delphine. “En parcourant ce cimetière, il voulait indiquer des pistes parmi d’autres”, se souvient ce proche avec lequel le peintre plaquiste a parcouru les allées bordées de pierres tombales. Ces éléments ont été portés à la connaissance des gendarmes depuis l’année dernière. A lire aussi Affaire Jubillar les drones de la gendarmerie survolent le secteur du cimetière de Cagnac-les-Mines Faire ouvrir les tombes ? Les enquêteurs, aidés de chiens spécialisés, ont arpenté à leur tour le cimetière. Mais sans succès. Dernièrement, l’insistance d’un radiesthésiste auprès de la gendarmerie, persuadé, d’après ses propres recherches, que le corps de l’infirmière disparue se trouve sous une tombe clairement identifiée, ne fait qu’accentuer ce regain d’intérêt pour un lieu, qui, par définition, semble le plus approprié pour cacher une dépouille. Ce radiesthésiste, un policier à la retraite originaire de Blaye-les-Mines, dit avoir commencé ses recherches en février dernier et pointe une tombe qui ne semble pas scellée, la seule du cimetière où poussent des fleurs tout autour. Reste à savoir si les deux juges d’instruction en charge du dossier, après avoir épuisé les autres pistes, donneront leur accord pour faire ouvrir des tombes. A lire aussi VIDEO. Disparition de Delphine Jubillar son mari Cédric reste en prison I. — LES JUIFS. De toutes les entreprises dirigées contre Dieu, il n'en est pas de plus odieuse et de plus ridicule que la prétention des Juifs à le représenter sur terre. Un seul Dieu, le nôtre ; un seul temple, le nôtre ; un seul peuple, le nôtre, voilà toute la religion des Juifs. On s'explique qu'avec une telle foi, exclusive de tout le reste de l'humanité, les Juifs n'aient jamais pu trouver le chemin du cœur, et que, pour les admettre dans la grande famille sociale, on ait été si souvent obligé d'en appeler de l'instinct à la raison, et du préjugé à la justice. Dieu a fait la terre pour les hommes, et comme elle est toute petite en comparaison de lui, ils se sont rencontrés dès les premiers jours. Pour des sauvages, se rencontrer, c'est se battre. Pour les gens civilisés, se battre, c'est se fondre. Les nations se forment de peuplades fatiguées d'être tribus, de tribus lasses d*être familles. Emportées par un mouvement dont nous ne percevons que les effets, elles capitulent selon la loi du plus fort, les unes s'affaiblissant par la victoire, les autres se fortifiant par la défaite, car il n'est pas de règle en ces hautes matières. Entre tous les peuples anciens dont l'histoire nous intéresse ou nous éblouit, un seul nous inquiète et nous étonne c'est le juif. Le mystère de ses origines est pour peu dans le sentiment de curiosité qu'il nous cause. Il n'importe qu'il vienne de Crète, de l'Inde, de la feue Atlantide ou de plus loin encore. Ce qui nous frappe, absolument comme dans un animal, c'est la faculté qu'il a de se hérisser, de se mettre en boule, et de rouler toujours sans s'user jamais. Avec cela, un pouvoir inouï de résistance et d'envahissement ; c'est là dureté du kyste combinée avec l'avidité du cancer. Presque toujours vaincus sauf quand ils combattent contre eux-mêmes, esclaves ou maîtres, le plus souvent parasites, quelquefois exportés tout entiers comme une cargaison de chair et d'os, ruinés chez eux, ruinant les autres, en quelque état que la fortune les ait mis, les Juifs font carrière dans l'exil et fortune dans la misère. On les opprime, on ne les comprime pas. On les écrase, on ne les détruit pas ; on les humilie, on ne les abaisse pas ; même quand on les dépouille, on ne les appauvrit pas. Et ce serait un spectacle étrangement beau que l'histoire des Juifs, si l'on y pouvait découvrir une seule page je ne dirai pas d'amour, mais de considération pour les autres hommes. Ils ont répandu autour d'eux une telle semence de haine que cette semence germe encore après trente siècles écoulés. Les Grecs sont les premiers qui aient essayé de les réduire autrement que par les armes. Toutefois il leur fallut longtemps pour monter jusqu'à la Ville Sainte où était l'âme des Juifs, enfermée dans le Temple et dans la Loi. On les vit d'abord dans les colonies d'Alexandre comme Pella, Mygdonie, Piérie, Gérasa, Dium, mais la Galilée leur resta close. Lorsque la domination de Rome se fît sentir dans l'Orient, l'influence grecque diminua politiquement, mais elle avait déjà pénétré la langue, malgré la réaction des synagogues. Un peu delà pensée hellénique, plus claire, plus douce,, se glissait dans ces têtes aussi dures que la dure assiette du Temple. Il y eut d'heureux scandales un grand prêtre helléniste ; un autre encore ; une citadelle grecque en face de Sion, avec Jupiter Olympien dans le temple ; puis, malgré les Macchabées, des monnaies judéo-grecques, et, malgré le vieux parti pharisien, une certaine détente d'idées et de mœurs, la joie du boire, du manger et du reste montrant le nez dans des livres à demi sacrés comme l'Ecclésiaste. Lorsque la traduction en grec des livres dits saints fut décidée, il se trouva dans chaque tribu six hommes sachant assez la langue pour faire ce travail difficile. Le courant était devenu assez fort, un siècle avant Tibère, pour donner la couleur hellène à une société religieuse d'origine juive, celle des Esséniens. Il semble qu'on y ait enseigné le grec, puisque l'historien Josèphe fut leur disciple pendant trois ans et qu'il les quitta parlant cette langue et l'écrivant comme la maternelle. Semblables pour les mœurs aux caloyers des Iles ioniennes, les Esséniens avaient mis la mer Morte entre Jérusalem et eux, vivant du travail commun dans une commune discipline, pacifique confrérie d'environ quatre mille individus dont on ne soupçonnerait même pas l'existence si deux Juifs hellènes, Josèphe et Philon, et Pline, Romain trempé d'hellénisme, ne nous en avaient curieusement parlé Josèphe, avec une certaine reconnaissance[1]. Les Juifs d'Egypte, les Alexandrins surtout, sans cesser d'être Juifs étaient moins farouches que ceux de Jérusalem. Ceux-ci, par contre, s'étaient rejetés au fond du pharisaïsme, prétendant détenir le secret des textes hébreux, revendiquant le monopole des interprétations vraies, s'indignant au dedans d'eux-mêmes que ceux d'Alexandrie s'ingérassent d'en discuter, de les révéler dans une langue impie. Sans doute, lorsque les Juifs d'Alexandrie venaient au Temple adorer le vrai Dieu, les mains pleines de présents, ils étaient accueillis comme des frères, mais comme des cadets qui ne doivent parler qu,après les aînés, et plus bas, à la table de famille. II. — L'ESPÉRANCE D'ISRAËL. Je n'ai point à chercher si l'exécration encourue par les Juifs — c'est le mot d'Isaïe — a des causes ethniques[2]. Mais j'ai à chercher si elle en a de religieuses, et j'en trouve une qui rentre dans mon sujet, car elle appartient à l'histoire c'est l'idée de la prédestination des Juifs à gouverner le monde. Cette idée se traduit au dehors et au dedans par cette formule très simple Dieu nous a faits maîtres des hommes, et il le prouvera un jour par son Christ. L'idée christienne a varié avec les temps. Elle a été plus ou moins aiguë, plus ou moins lancinante pour quelques-uns, minorité infime, ère de réparation, mais tellement sûre que les païens eux-mêmes y sont tolérés après circoncision ; pour la plupart, ère vengeresse où le Juif tient tous les autres hommes sous le talon. La personne du Christ est souvent absente ; Dieu n'a pas besoin de Messie, il fait ses affaires lui-même. Seul son Jugement est certain, jugement fait d'avance, dicté par les prophètes et tout entier en faveur des Juifs, à part quelques apostats et quelques impies équitablement précipités dans l'enfer. Petit à petit, l'idée prend corps dans un envoyé de Dieu qui détient pour plus ou moins de temps, avec des attributions plus ou moins étendues, une parcelle du pouvoir divin, puis grandit dans les imaginations surchauffées, occupe toute la terre et tout le ciel, cachant un peu Iahvé par sa stature colossale. Tout Juif portait en lui l'idée christienne comme en vase clos. Au point où elle était sous Auguste, il ne restait plus qu'à régler protocolairement la réception du Messie in persona et specie. Il était d'autant plus -attendu qu'il était nécessaire. Qu'un Messie dût venir, pas un Juif n'en doutait. Mais sous quelle forme, avec quels pouvoirs, à quelle époque et pour combien de temps ? Autant de questions sur lesquelles on se divisait. Et comme toujours on revenait aux prophètes, divisés eux-mêmes sur son rôle et sur sa personne. Une fois venu, que fera-t-il ? Sera-t-il le Christ-Epée, le grand Messie régnant sur le monde enjuivé ? Sera-t-il un peu moins le Messie pratique qui commence par libérer le territoire, quitte à aviser ensuite ? Sera-t-il le Messie-Juge partial, bien entendu qu'a entrevu le Psalmiste ? Voilà sur quoi les Juifs pouvaient différer d'opinion selon leur tempérament ou leur éducation. Ce qu'il importe de savoir, c'est si, avant la confection du Jésus des Evangiles, ils avaient entrevu le Christ-Martyr, contraire à toutes leurs Ecritures, voire celles d'Isaïe, à toutes leurs espérances, à la définition même du Messie. Nulle part ce pis-aller n'eût été plus déplacé que parmi les Galiléens, chez qui s'incarnait l'idée d'intransigeance patriotique. Là il eût été non -seulement anormal, mais impie, injurieux. Un Messie-Martyr eût été un monstre, une Bête comme aucune Apocalypse n'en avait entrevu dans ses cauchemars les plus effroyables. Car, dans leur soif de puissance encore plus que de liberté, les Juifs étaient allés jusqu'à donner le nom de messie à un païen qui les avait servis. Dans Isaïe Iahvé appellera Cyrus son soldat et son christ, bien que Cyrus s'incline devant d'autres dieux ; mais il a obligé les fils d'Israël, il les a renvoyés dans leur maison, cela suffit Je te ceins, dit Iahvé, alors même que tu m'ignores ! Un Juif hardi pouvait donc réclamer pour lui, fils d'Israël ou de Juda, le nom que Iahvé avait donné à un païen par la bouche d'Isaïe, mais ce nom une fois pris, il fallait le mener à la victoire. C'est surtout pendant les occupations étrangères, les captivités, les servitudes que le christianisme s'exaspère. Lorsqu'avec Pompée, Rome s'établit sur la terre juive, la Louve fut une Bête nouvelle — la Bête de l'Apocalypse — dont les Juifs firent le tour avec une curiosité indignée. Les Écritures l'avaient prévue et annoncée, cette Bête vomie par l'Occident, mais il y a des choses qu'on ne croit qu'en les voyant. Toutes les autres Bêtes étaient venues d'Assyrie, de Macédoine ou d'Egypte on était habitué à leur poil et à leur cri, mais là vraiment, Bête nouvelle, Bête hérissée de crocs, de griffes, armée d'une gueule d'où sortait un bruit atroce, la langue des tribuns, des centurions et des aquilifères. Dans l'arsenal des docteurs et des scribes, aucun christ capable de lutter contre cette Bête-là, contre ce Dragon de pourpre et de fer dont la queue s'appuyait sur la pointe des îles britanniques. Des trois sectes qui se partageaient la Judée, deux sont avant tout des partis politiques. Nous défalquons les Esséniens qui, vivant reclus, peu nombreux en somme et plus vénérés que puissants, goûtent, au milieu des pires tourmentes juives, les douceurs de la vie agreste et de la retraite volontaire. Les Saducéens sont un clan de grandes familles, une caste plutôt qu'une secte. Tout leur est bon, le grec et le romain, pourvu qu'ils soient aux places, et que, faisant le sanhédrin, ils le gouvernent. Juifs d'abord, cela est évident, mais de sentiment patricien, étrangers au peuple et cherchant secours n'importe où pour posséder, conserver et conduire. Les Romains trouvèrent en eux des hommes tout prêts à partager les profits et à contenir par en haut ces bourgeois de Pharisiens qui d'en bas, appuyés sur la masse, montaient à Tassant des charges et gagnaient chaque année quelques échelons. Certains de ces Pharisiens, plongeant dans le peuple par les racines, avaient fini par se nouer avec lui, épousant ses haines, compatissant à ses misères, s'enfonçant en terre juive profondément pour y pomper quelque sève inconnue. Les Pharisiens, qui professaient l'idéal patriotique de toute la nation, se fussent contentés d'un messie davidique, d'un descendant quelconque de ce Napoléon juif à qui Iahvé avait fait de si magnifiques promesses. Un héros guerrier qui ne pactisât point avec Rome eût suffi à toutes leurs ambitions, et même ils lui eussent pardonné quelques-uns des vices d'Hérode pourvu que sa filiation fût régulièrement établie. Voilà le messie qu'attendaient la plupart des Juifs messie capable de plusieurs choses réservées à Iahvé. Le Dieu des Juifs n'avait certainement pas son compte dans ce messie-là, mais les Pharisiens y eussent trouvé le leur. Ils n'en entrevoyaient pas d'autre qui pût leur rendre le gouvernement du Temple passé aux Saducéens. Que d'horribles visions Rome avait réveillées ! Le Temple pillé sous Antiochus Epiphane, les sacrifices abolis pendant plus de trois ans, la circoncision défendue, et, chose pire que tout, la plus impure des bêtes, le pourceau sacrifié sur l'autel au lieu de l'agneau sans tache ; un second Temple bâti dans Héliopolis, comme s'il y avait deux Iahvé, deux peuples juifs ! Jérusalem assiégée de nouveau sous Hircan, cet Hircan obligé de violer la tombe de David qui contenait trois mille talents pour en donner trois cents à Antiochus, et achetant le salut de la ville au prix d'un sacrilège ; Pompée emportant le Temple d'assaut, les sacrificateurs immolés en vaquant aux choses saintes ; les barbares pénétrant dans le Saint des Saints, violant Dieu ; le chandelier, les lampes, la table d'or, les vaisseaux d'or pour les encensements, les parfums, le trésor sacré, souillés par leurs regards profanes ; tout l'or du Temple, avec les deux mille talents que Pompée n'aVait pas pris, enlevé par Crassus ; Jérusalem assiégée de nouveau par Félix, puis par Antigone, prétendant assisté des barbares, et cette fois, la bataille livrée en plein marché, le camp ennemi posé en plein Temple, la ville occupée par les Parthes ! Pour comble de misère, Jérusalem assiégée par Hérode pendant cinq mois avec l'appui des Romains ; le roi de Judée obligé de conquérir sa capitale sur d'autres Juifs, puis de défendre le Temple contre l'indiscrète badauderie des troupes romaines associées à sa victoire ! Enfin ne suffisait-il pas d'avoir des yeux pour comprendre qu'Hérode, le dernier roi qui méritât ce titre, n'avait pu constituer son royaume que par la grâce d'Auguste succédant à celle d'Antoine ? La Judée ne se survivait à elle-même que par la pitié des Romains. III. — LE REFUGE DU FANATISME. Blessé par ces spectacles offensants, le fanatisme s'était réfugié soit en Galilée, la vieille Terre promise, la terre de lait et de miel, la terre de vin et d'huile, le Jardin et le Grenier de la Judée, soit dans les districts forestiers de TransJordanie. Vaillants, batailleurs même, ici bateliers habiles, là rudes bûcherons, les Galiléens étaient bien près de considérer le Carmel, qui avait été à eux avant d'être aux Tyriens, et le Basan, le Basan surtout, comme leurs montagnes saintes, rivales du Garizim samaritain et de Sion. Supportant mal les limites que la politique leur avait assignées, ils aimaient à franchir celles que la nature leur dessinait entre la Phénicie qui leur cachait la mer, les montagnes qui leur barraient la Syrie, le Grand Champ qui les séparait de la Samarie, le lac de Génézareth et le Jourdain qui les baignaient à l'orient. L'idée messianique flambait en Galilée, l'attaque et la fuite étant plus faciles à cause de la montagne au nord, et du désert à l'est. Jamais de révolte au sud, serré entre les légions de Césarée et celles d'Egypte, point de refuge dans les villes du littoral toutes grecques ou toutes phéniciennes et qui avaient l'horreur du Juif ; l'émeute gronde toujours dans le pays adossé aux cavernes et aux forêts du Liban, et qui s'ouvre à l'Orient sur l'immensité du désert. Le bûcheron avec sa cognée, le pêcheur avec sa rame, le moissonneur avec sa faux, voilà les soldats de l'idée ; leur cœur se soulève quand une cuirasse romaine fait une lueur de cuivre sur le fond vert des oliviers. La grande voie qui monte vers Damas traverse le pays avec sa cohue de marchands païens où qu'on se tourne, c'est Satan qui passe. Il n'y a pas là que des paysans exaltés. La Galilée n'avait point cessé d'être un repaire de brigands, toujours bien armés de belles armes qu'on trempait au Jourdain. Hérode qui très jeune en avait eu le gouvernement, du temps de César, avait fort agi contre eux, et laissé le souvenir d'un homme qui entendait mal la liberté du pillage. Et plus tard, la figure d'Hérode fut l'épouvantail des montagnards galiléens, un croquemitaine pour les enfants de cette gent émeutière et dévotieuse. C'est en Galilée qu'Hérode avait grandi dans l'esprit des Juifs et s'était insinué dans la confiance des Romains, allant au-devant du tribut par des cadeaux, achetant la couronne sur les produits de la contrée. C'est par la Galilée qu'il rentra en Palestine, quand de Rome il revint roi. Il retrouva les mêmes hommes de caverne, à qui l'air de l'indépendance semblait aussi important qu'à Hérode la couronne de Judée, bandits luttant à force ouverte contre tout le monde Romains, Tyriens, Séphoritains et Galiléens de plat pays, rebelles à tous et souvent à leurs chefs, escarpés comme leurs montagnes, altiers comme leurs cèdres il n'eut raison de ces troglodytes qu'en les murant ou en les faisant cuire. Tandis que le Temple, reconstruit par lui en la quinzième année de son règne, veillait de loin sur la religion de Moïse, il semblait, à voir les villes nouvelles et leurs monuments païens, que Jérusalem fût vouée à Auguste et la Judée au Sénat. Les vieux noms hébreux s'effaçaient de la carte et des plans ce n'étaient que Césaréon, Agrippion, Sébaste, Césarée à Sébaste un temple d'Auguste s'éleva ; à Panéas, un autre tout de marbre blanc, d'autres encore la Tour de Straton, hier rade ouverte et battue par les vents d'Afrique, devient, sous le nom de Césarée, un Pirée juif, avec un peu de la splendeur romaine, des statues d'Auguste et de Rome, un théâtre, un amphithéâtre, une ville neuve où Israël se cogne dans Rome et culbute dans Athènes. Magnifique, voire au dehors, Hérode avait comme redoré le blason juif dans les îles, dans les grandes villes de Syrie, de Grèce même. En mourant il laissera aux Juifs le souvenir d'un roi tolérant pour les païens, aux Galiléens celui d'un tyran monstrueux et, qui sait ? capable de trahir Sion pour le Palatin. Superbe en tout même en forfaits, aïeul de Barbe-Bleue, avec les neuf femmes qu'il eut, fécond en assassinats, personne ne fut plus criminel envers ses enfants, personne n'eut d'enfants plus criminels envers leur père et envers eux-mêmes. Par le père, par les enfants, par les serviteurs, la famille d'Hérode fut l'école de toutes les cruautés. La fameuse prophétie de Jacob Le sceptre ne se départira point de Juda, ni le Législateur Moïse, image de la Loi d'entre ses pieds jusqu'à ce que le Scilo Christ vienne, avait reçu des démentis répétés. Depuis la captivité de Babylone, il n'y avait eu de Juda que Zorobabel après quoi, sceptre et Loi, tout était allé de mal en pis pour la tribu qui pourtant avait absorbé toutes les autres dans le grand nom de Judée. Le sceptre et la Loi s'étaient départis de Juda pour passer aux Asmonéens et aux Iduméens, on allait voir les Romains réclamer le serment et l'impôt. Et le Scilo ne tenait pas ! Il était temps que Iahvé suscitât un messie qui fit cesser cette abomination. C'était bien le moins qu'avant de régner sur les autres hommes le Messie qu'on pourrait appeler constitutionnel, commençât par délivrer les Juifs des Hérodiens et des Romains. On se fût contenté de celui qui aurait commencé par là, un messie libérateur du territoire, Hérode n'étant au fond qu'un préposé de la puissance romaine, vivant à la romaine, le plus souvent hors de Jérusalem ou dans des villes façonnées à la romaine, avec des théâtres et des cirques. Les Juifs, qui avaient le sentiment national, regardaient ce roi nominal comme un vendu, un fermier-général couronné, un roi-publicain. Il y eut de la poussière messianique au-dessus du Jourdain on en était comme aveuglé. Chacun put espérer se faire roi-prophète pour commencer. Pour détourner les prophéties de leur sens, il suffisait d'en effacer la date. Alors elles revivaient, rajeunissaient. Les plus vieilles, n'ayant plus d'âge, redevenaient fraîches, dataient d'hier, bonnes pour aujourd'hui et pour demain. Point de Juif de basse naissance qui n'y pût trouver une phrase pour lui, passer ainsi de la charrue à l'épée, sauter de l'étable au palais. Un berger, un gardeur de moutons pouvait, sans ridicule, jeter son bâton au vent et lever des hommes pour assaillir le trône vacant de David. Il y avait toujours dans le village de petits prophètes assez grands pour lui trouver les signes et le proclamer Oint. Messie d'occasion, l'occasion en débarrassait la terre. Coq de village, il perdait la crête au village voisin où se levait un autre messie combats de coqs. Le pauvre messie, les yeux crevés, les pattes en sang, gisait devant la haie qui donnait de l'ombre à ses bêtes. IV. — JEHOUDDA LE GAULONITE. En ces temps désespérés, Auguste étant maître du monde, un homme de la tribu de Lévi, nommé Jehoudda eut des Révélations. Il était du même sang qu'Abia, fils de Samuel, et, d'autre part, il descendait du roi David. Juif complet, il pouvait prétendre à la grande-prêtrise et à la couronne. Né dans un bourg de Gaulanitide, Gamala, nid de vautours haut perché sur la rive orientale du lac de Génézareth, il avait grandi sous Hérode, sa famille avait souffert d'Hérode, gouverneur de la Galilée, elle souffrit d'Hérode, roi de Judée, elle souffrira de tous les fils d'Hérode l'ennemi, ce n'était pas seulement César, c'était Hérode, l'esclave iduméen affranchi par Rome. Ces Iduméens n'avaient embrassé le judaïsme que par force sous Hircan c'étaient des profanes et des usurpateurs. On a accusé Antipas, père d'Hérode, d'avoir adoré Apollon dans Ascalon. Iahvé retirait sa main de son peuple, et il semblait que, condamnant tous les prophètes qui promettaient aux Juifs l'empire du monde, il n'écoutât plus que la voix de Balaam, ce misérable devin de Chaldée. Une fureur jalouse s'alluma dans le cœur de Jehoudda lorsque, crevant les murs du vieux Temple, Hérode édifia le Iahvé-Palace qui fit l'admiration de tous les Juifs jusqu'à la chute de Jérusalem. Jadis face à l'orient, l'entrée était maintenant au sud, tournée vers le pays natal d'Hérode. Israël passait après Edom. La terrasse orientale, l'aire sacrée sur laquelle s'élevait le Portique de Salomon, c'était maintenant la Cour des Gentils. Les païens foulant aux pieds la terrasse par où le soleil entrait dans le Temple, quelle impiété ! Plan, élévation, contenance, tout cela était dans Ezéchiel ; de quel droit, changeant le sens de la construction, l'iduméen faisait-il de l'entrée principale une porte de côté, de l'aire aux Juifs une cour de Goym ? Moïse avait tourné le tabernacle vers l'orient, afin qu'à son lever la gloire du Seigneur y lançât ses premiers rayons ; Hérode avait trahi la Loi en le plaçant face au sud, et les prêtres avaient laissé faire ! Au lieu de présenter la figure à l'occident pour adorer, comme le voulait Ezéchiel, on allait la présenter au nord. Ce jour-là, le Seigneur devint, comme dit l'Évangile, la pierre que les bâtisseurs ont rejetée, et le Temple hérodien fut la maison maudite sur laquelle il avait à venger l'affront qui lui était fait. V. — LA RÉVÉLATION DU VERBE-CORPS. Evincé du trône et de l'autel par Hérode, entraîné par les doctrines d'un certain Joshua ben Peraia, dont on ne sait rien sinon qu'il était versé dans toutes sortes de kabbales[3], Jehoudda chercha le sens secret des Ecritures juives, le sens de derrière la lettre, celui qui échappait aux Saducéens ou que les Saducéens ne voulaient pas voir. A côté de la Loi, des Prophètes et de quelques livres historiques, comme les Rois, il y avait des livres hermétiques, joanniques, des livres d'initiation à certains mystères des Écritures. Ce sont les Livres d'Ieou ou Iaô[4], c'est-à-dire les Révélations d'Iaô à ses Iaôannès — d'où est venu le nom de Joannès — depuis le commencement du monde, avant et après le déluge. Ces livres avaient été faits à l'imitation des livres chaldéens de même nature, avec cette différence que toutes les Révélations d'Iaôannès étaient à l'avantage des Juifs, et on ne les conçoit point autrement. Jamblique parle de vingt mille discours placés sous le nom d'Hermès ! Les Juifs n'en avaient mis que deux ou trois sous le nom d'Iaôannès. C'était peu, mais grâce à leur industrie, tout le christianisme en est sorti. Dans tous ces Livres même définition de Ieou, la lumière universelle, qui deviendra Iaou, Iahvé, Iaoua, Jehovah ; même définition de son Fils, le Théanthrope solaire, qui deviendra le Fils de l'homme de l'Apocalypse et le Jésus de l'Evangile. Tout ce que le Verbe dira dans l'Apocalypse Je suis le commencement, le milieu et la fin ; je suis celui qui est, qui a été, qui sera ; je suis l'Aleph et le Thav l'Alpha et l'Oméga des traductions grecques, vient des Livres de Iâo. Le Joannès de l'Apocalypse n'a fait que transcrire sur le papyrus ce que les ouvriers égyptiens stylés par les prêtres avaient partout gravé dans la pierre. Les variations du Quatrième Évangile sur le Verbe procèdent de ces formules éternelles[5]. Sur les stèles, le Soleil est le Premier-né, le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu. Sur une muraille du temple de Philœ, sur la porte du Temple de Medinet-Abou, on lit, tracée quinze siècles avant Jehoudda, la définition du Verbe par le Quatrième Évangile C'est lui qui a fait tout ce qui est, et rien n'a été fait sans lui jamais[6]. Quoi de plus clair que cette définition, et comment ne pas voir immédiatement dans Jésus la personnification allégorique du Théanthrope solaire ? A qui les scribes essaient-ils de faire croire que Jésus est la véritable lumière qui éclaire tout homme venant au monde, que ce monde même a été créé par lui, s'il n'est lui-même le Verbe incarné ? Je m'adresse aux gens de sens rassis et je leur demande s'ils pensent qu'un Juif ait paru sous Tibère, disant de lui-même Je suis la lumière et la vie, sans que les autres Juifs engagés dans cette solennelle proposition n'aient immédiatement compris que ce personnage était descendu tout exprès du ciel pour la démontrer par des miracles allégoriques. Appuyé sur la vieille cosmogonie chaldéenne, sur l'astrologie et sur les Ecritures, Jehoudda codifia en quelque sorte la superstition du Christ céleste. Que le Christ fût un Verbe-corps, on n'en saurait douter quand on le voit converser dans le Paradis terrestre avec Adam et Eve, avec Caïn, avant, pendant, après le déluge, avec Noé, avec Abraham, avec Moïse et avec tous les prophètes. Que l'homme fût à sa ressemblance, on en pouvait douter quand on regardait un païen, mais on en était sûr quand on regardait un Juif. Moïse a vu quelqu'un et qui lui a parlé. Le Père ? Non. Qui eût commandé au monde pendant que le Père parlait à Moïse ? Mais le Verbe du Père. Et le Verbe est de chair puisque le Père est vivant. Sa chair est de feu, comme celle du Père. A la fois corps et feu, Homme de feu en un mot. Jehoudda le vit assez distinctement pour décrire sa forme, sa figure, ses vêtements, ses outils et ses armes[7]. Entre Juifs on l'appelait le Fils de l'homme comme s'il était de la famille, et en effet il en était le chef. Ces idées nous étonnent, nous avons peine à croire qu'il se soit trouvé des mortels pour les professer. S'ils pouvaient revivre, c'est nous qui les étonnerions. Dieu est chair ab æterno ! s'écrie Apollinaris, au quatrième siècle. Et Rien n'est uni à Dieu comme la chair du Christ ![8] Il est distinct du Père, puisqu'il est son Fils, et bi-sexuel, puisqu'Adam, formé à son image, était mâle et femelle[9]. Sans doute Adam n'était pas de la même substance, puisqu'il y a en lui de la terre et de Peau, mais il avait été créé immortel et il vivrait encore, s'il n'avait point écouté Satan. Le Christ peut refaire ce qu'ont défait Adam-Eve et Satan. Le Père n'a qu'à le lui commander, et il rendra l'immortalité aux Juifs. VI. — LE MILLÉNARISME. A l'instar des Mages Jehoudda estimait que Dieu avait divisé son Œuvre en Douze Cycles millénaires divisés eux-mêmes en deux groupes de six mille ans, — l'un avant, l'autre après la création de l'homme, — de manière que la consommation de l'Œuvre, l'homme compris, fût renfermée dans les Douze Cycles. Jehoudda n'inventait rien. Il empruntait ses grandes lignes aux Genèses chaldéennes. Celle des Hébreux n'en est qu'une version plus ou moins fidèle. Ces thèmes de Création et de Consommation admettent que la Genèse a pris six jours, et que dans ce calcul mille ans sont comme un jour et un jour comme mille ans. Ayant été créé le sixième jour, Adam représentait à lui seul le septième Mille, et il aurait vécu éternellement si sa moitié féminine, séparée de lui par Dieu, n'avait pas cédé au Serpent faute irréparable qui avait amené Dieu d'abord à chasser le couple du Ciel-sur-terre ou Paradis terrestre, et ensuite à noyer ce Paradis dans le déluge. L'Arbre de l'Eden était éternel, et c'est pour avoir mangé de son fruit qu'Adam n'avait pas atteint mille ans. Le jour où tu en mangeras, tu mourras, lui avait dit Dieu. Ainsi l'entend Isaïe lorsqu'il prédit un ciel nouveau, une terre nouvelle et le retour des jours de l'Arbre les jours de mon peuple seront comme ceux de l'Arbre, des jours de mille ans[10]. La Juive que, moins d'un siècle après la mort de Jehoudda, Juvénal décrira lisant dans les lignes de la main, interprète de l'Arbre, dit-il, c'est la millénariste du pavé de Rome sous Domitien. Certains Psaumes de David s'inspirent de la même théorie[11], point de départ de tout le christianisme. L'Eglise a rejeté du canon la Lettre de Barnabé d'où il résulte que le millénarisme était la doctrine dominante des temps apostoliques, mais nous avons mieux que la lettre de Barnabé ; dans l'Apocalypse nous avons le manifeste des apôtres, et la Lettre de Pierre est d'un millénariste imbu de la tradition jehouddique. Sur les six premiers Mille correspondant aux six premiers jours, tous étaient d'accord, même ceux qui assignaient treize, quatorze ou quinze mille ans à la durée du monde. En restant avec les Chaldéens et les Sabéens, Jehoudda s'enferme dans le cadre duodécimal qui lui est imparti par le cours du soleil à travers le Zodiaque douze signes, douze mois, douze cycles. Ces six mille ans avaient été des temps de lumière, gouvernés par les bons principes, et ils étaient représentés sur le Zodiaque par les signes du printemps et de l'été. Ils étaient dits Mille d'Ieou, ayant commencé avec l'Agneau, signe du passage, pesach ou pâque du Soleil dans notre hémisphère, et fini avec la Vierge, en englobant le Taureau, les Gémeaux, le Cancer et le Lion. C'est entre le sixième signe et le septième que le Monde avait commencé. Or les six Millenia assignés à ce Monde étaient en cours, gouvernés par les mauvais principes, ceux de l'automne et de l'hiver, et représentés sur le Zodiaque par la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Zachû Verseau et le Zib Poissons. Ils étaient dits Mille du Serpent ou de Satan. En effet, c'est entre la Vierge et la Balance que se trouve placé sur les sphères le vilain Serpent céleste, père des ténèbres, qui chaque année recommence ses méfaits et, chaque année aussi, s'enfuit vaincu quand le soleil passe sous l'Agneau, signe du Christ réparateur du mal du monde. Ce Serpent était fort chaldéen, car les Juifs ne se sont pas bornés à dépouiller leurs voisins de leur Dieu, ils les ont dépouillés de leur Diable. C'est Satan qui a tenté Eve, et qui momentanément a battu Dieu. Le ciel a eu avec la terre des relations directes qu'Adam a connues, mais que sa faute a interrompues et le déluge brisées définitivement. Dieu renouera-t-il jamais ? Ce monde a déjà eu bien des aventures. De premiers cieux ont existé, et une première terre tirée de l'eau et se tenant par l'eau, grâce au Christ[12]. Ils ont fait naufrage sous l'effort de la cataracte diluvienne, et ils ont été remplacés parles cieux et la terre dont on jouit sous Hérode Dieu se propose de purifier cette terre par le feu et de la replacer dans la lumière originelle. Il n'a pas pu faire durable une Œuvre sur laquelle les Juifs ne règnent pas définitivement. C'est à recommencer. Ainsi ce qu'attendait Jehoudda, c'est un troisième Monde, une troisième terre surmontée d'un autre ciel, celui d'alors étant visiblement raté, puisque la lumière propre à Dieu ne le traversait pas d'une manière régulière et continue. On vivait sous un ciel qui gardait encore les traces des épreuves passées et portait la marque de puissances hostiles. Ce ciel, lui aussi, empêchait le Christ de revenir, c'était plus qu'un voile, c'était un obstacle. Car toute la voûte, c'est-à-dire la couche la plus rapprochée de la terre, était aux mains de Satan et de ses, anges qui faisaient un véritable abus de cette mitoyenneté contre les Juifs. Au-dessus du ciel de Satan il y en avait deux autres, stratifiés. L'un était occupé par l'armée de Dieu à laquelle commandait en chef le Christ-Verbe, entouré des Douze Cycles de Mille ans ou Apôtres[13], ayant sous leurs ordres Trente-six Chefs ou Décans[14], avec douze légions de douze mille anges chacune, formant ensemble Cent quarante-quatre mille puissances qui participaient de la divinité. L'autre, le troisième ciel, était plus spécialement affecté à Dieu, qui y avait son trône et son sanctuaire, et vivait là. Père de toute lumière, au milieu de Vingt-quatre Vieillards ou Presbytres qui représentaient les Vingt-quatre Heures de l'heureux temps où le jour était sans nuit. C'est là sa famille éternelle et son éternel ministère. Les Hébreux se rattachèrent à cette organisation par les douze tribus auxquelles président d'en haut les Douze Apôtres. Les Juifs de bon jugement reconnaissent volontiers qu'il n'y a jamais eu douze tribus[15], mais un certain nombre de clans placés sous la protection des douze signes. Le Père des Juifs, c'est Iahvé, père du Christ, Sujets de Iahvé, enfants du Verbe, par conséquent supérieurs par essence à toutes les nations, tels sont les Juifs dans la pensée créatrice, donc telle est la Loi. Qu'était-ce donc que l'Apocalypse de Jehoudda ? Celle de Jacob et de ses douze fils, celle de Joseph chez Pharaon. Joseph, cet accapareur de grâce et de grains, avait vu, dans une zodiacale vision, le Soleil, la Lune et onze étoiles qui l'adoraient, lui douzième. Qu'est-ce à dire, sinon que le ciel ne s'allumait que pour éclairer la marche des Juifs à travers le monde ? C'est de Joseph que Moïse et Aaron tiennent tout ce qu'ils savent. Toute leur Apocalypse, ce sont les Juifs sauvés sous l'Agneau, les païens détruits. Lisez l'Exode avec quelque attention[16], et si dépourvu que vous soyez de sens critique, vous verrez que la pâque juive n'est nullement une institution mosaïque, mais un signe de la prédestination. Au milieu des Égyptiens, les Israélites oubliaient leur vieille religion de Mésopotamie, et le sacrifice annuel de l'agneau, symbole du pacte d'éternité que Iahvé avait fait avec eux. La pâque est un rappel de l'Agneau, le signe astrologique sous lequel le Christ a donné le monde aux Hébreux. L'année ne commence le 15 nisan que par application de ce principe[17]. Ce jour-là le Seigneur passe, et ainsi repassera-t-il jusqu'à ce qu'il ne passe plus. C'est le passage du Seigneur et nullement celui de la Mer Rouge, on n'en est pas encore là. Le Seigneur passe la nuit du 14 au 15, et on la passe avec lui, bâton en main, comme des passants. L'agneau est blanc, les pains sont sans levain à cause de la pureté originelle ; la pâque dure sept jours parce que la Création en a pris sept. Ce n'est pas une fête de circonstance, c'est la fête du passé engageant l'avenir. Le mot pesach est chaldéen, comme nisan et les autres mois, comme Zachû Verseau, Zib Poissons et les autres signes, et comme est chaldéenne l'économie des Douze Cycles millénaires. Les deux Tables du témoignage que Iahvé donne à Moïse, il ne faut point les confondre avec les tables de la loi. Les deux Tables écrites des deux côtés par le doigt de Iahvé sont le Livre des destinées du monde et le Livre de vie. Un côté regarde le ciel, un autre la terre[18]. Pourquoi Moïse brise-t-il ces deux Tables devant les Juifs au pied de la montagne ? Parce qu'ils sont indignes de ce qu'on y lit, ayant adoré le veau d'or. Pardonnez-leur cette faute, dit Moïse à Iahvé, ou si vous ne le faites pas, effacez-moi de Votre Livre que vous avez écrit. Le Seigneur répond J'effacerai de mon Livre celui qui aura péché contre moi ; et au Jour de la vengeance je visiterai et punirai ce péché qu'ils ont commis[19]. VII. — LE RETOUR DE L'AGNEAU. Le Père a décidé que le monde finirait avec le Douzième cycle. Mais il y a une clause secrète pour les Juifs. Les Juifs sont les enfants de Dieu, le Père anéantira-t-il sa famille terrestre ? Grosse question, résolue déjà dans les conseils du troisième ciel. De même que Jupiter est dit Stator, Capitolin, Ammon, Tonnant, selon les cas, le Christ était dit Iehoschoua — mot hébreu qui signifie Sauveur, dont les Grecs ont fait lésons, et nous Jésus —lorsque, dédaignant toute autre besogne, il se consacrait spécialement à la défense des Juifs. Tout-puissant pour la destruction, il est tout-puissant pour le salut. C'est celui-là qu'enverra le Père. Ce que Moïse cache aux profanes, c'est le secret de cette prédestination secret fort mal gardé que tous les Juifs ont pressenti. Ce qu'Aaron demande à Iahvé, quand il lui immole l'agneau du passage, c'est de tenir la promesse qu'il a faite aux Hébreux de les épargner au Jour de la colère et de leur sacrifier les nations. Le costume du Grand Prêtre lorsqu'il se présente devant Iahvé, c'est le rational du Jugement, le Jugement confectionné, rédigé d'avance, lisible dans le ciel comme il l'était sur les deux Tables. Ce Mage, car c'en est un, porte, gravé aux épaules sur deux sardoines et répété sur douze pierres précieuses, le nom des Douze fils de Jacob, chefs des douze tribus, car les deux sardoines représentaient l'une le Soleil et l'autre la Lune, et les Douze pierres les Douze signes du Zodiaque, comme les Douze Pains de proposition représentaient les Douze Cycles de l'Œuvre, et le Chandelier à sept branches les Sept planètes. Ce prospectus astrologique, c'est la vision de Joseph[20]. Le Grand Prêtre ainsi vêtu, c'est le Livre des Destinées du monde, côté terre. Le côté ciel, c'est, encore plus juif que le Grand Prêtre, le Christ par lequel a été créé le monde. Il sera de la fin comme il a été du commencement, l'Aleph et le Thav[21]. Chaque année à Pâque on sacrifie l'agneau ; mais l'Agneau de Iahvé, l'Agneau divin qui est à nos agneaux ce que le Christ est à un Juif, l'Agneau astral, en un mot, ne meurt pas. Chaque année à l'équinoxe du printemps, il semble mourir et chaque année il renaît. Il est le principe et la somme de tous les agneaux sacrifiés depuis la première Pâque. Il est l'image du peuple juif, jusqu'ici la victime des nations, mais viendra l'Agneau de la revanche. Agneau, Pâque, Christ, c'est la même idée d'éternité. On disait du soleil pascal L'Agneau est revenu. Dans l'Apocalypse, l'Agneau est représenté sacrifié — c'est-à-dire en croix, tel qu'on le dressait pour la cuisson — au milieu des quatre points cardinaux de la sphère. Il est donc le signe du Christ étendu sur la croix céleste à l'équinoxe du printemps. Dès que ce signe apparaîtra sur la montagne de Sion, les douze tribus, reconnaissant leur marque de fabrique, marcheront à lui et l'environneront, prêtes à le suivre partout. Pour cette raison Jehoudda appelle les christiens disciples de l'Agneau. C'est le nom qu'on aurait pu donner, nonobstant leur idolâtrie, aux Juifs qui, du temps d'Ezéchiel, avaient représenté l'Apocalypse nationale sur les murailles intérieures du Temple. Car ils avaient peint toutes sortes de figures et de bêtes immondes, et toutes les Idoles de la maison d'Israël[22], c'est-à-dire les douze signes du Zodiaque et les Douze patriarches célestes, les Douze Apôtres du Christ, prototypes immortels des douze tribus. Et dans le Temple même on avait vu des femmes assises pleurant la Passion de Thammouz — c'est Adonis — comme les bonnes et aussi les mauvaises femmes d'à présent pleurent la Passion de Jésus le Vendredi saint[23]. Puisque le Fils de l'homme devait venir des cieux, c'est qu'il y avait un domicile, car s'il est vrai que, dans l'Evangile, il n'a sur terre aucun endroit où reposer sa tête, il habite au ciel un logis magnifique le Soleil qu'il emporte dans l'espace comme l'escargot entraîne avec lui sa coquille. Certes on ne peut pas dire que le Soleil soit proprement le Christ, mais il est sa lumière promenée, son tabernacle mobile[24]. Logé dans le Soleil, nourri de sa substance, vêtu de sa lumière, le Christ a douze maisons, douze mansions plutôt. Toujours on a comparé la course annuelle du Soleil, croissant et décroissant selon la saison, à la vie d'un homme qui naît et croit, décroît et meurt avec le temps. Il y a, vous le savez, un moment où la comparaison cesse d'être juste si elle l'était tout à fait, il n'y aurait plus de terre. Conçu sous la Vierge à l'équinoxe d'automne, enfant au solstice d'hiver, le Soleil est adulte lorsqu'il passe dans les Poissons, vers mars, mais quand, franchissant la ligne équinoxiale, sous l'Agneau, il entre dans notre hémisphère, il apparaît vraiment comme l'image sensible de Dieu, et le Roi des Rois, le Seigneur des Seigneurs de la terre lesquels n'ont pu se croire quelque chose qu'en son absence. Je ne veux pas vous atteler avec moi à son char, mais tenez pour certain qu'Hercule, Bacchus, Osiris, Mithra et presque tous les dieux y étaient déjà lorsque les évangélistes y firent monter Jésus. Sous tous les masques qu'il prend on voit étinceler ses regards de feu. Les Egyptiens l'adorent enfant, les Grecs homme, on le célèbre à la moisson, aux vendanges. On le chante dans les jours du printemps et de l'été, on le pleure dans les mélancolies de l'automne, on l'espère, disent les Marseillais, dans les intimités de l'hiver. Des siècles et des siècles avant que les Juifs ne rappelassent ou Schilo ou Messiah ou Ieschoua, l'Orient ne connaissait, au-dessous de l'Invisible, d'autre dieu que l'Invaincu, l'éternel tisseur de lumière. Le mystère que les prêtres cachent au fond de leurs tabernacles, c'est ce faux mystère dont tout le monde a la clef. Partout, depuis que l'homme a des yeux pour voir le jeu tournant des nuits et des jours, on tient que le Soleil naît de la substance divine à une date qui correspond à notre 23 décembre. Partout on vénère la céleste Vierge dont les flancs immaculés donnent ce beau fruit. Point de doute nulle part, celui-là est bien né des œuvres de l'Invisible. Le joli enfant ! vit-on jamais de plus beau sourire et des formes plus pures ? Que l'image de cette Vierge féconde se dresse dans les temples et sur les places ! Et que chaque homme en passant s'incline devant la mère immaculée qui presse sur son sein cet Enfant dont on ne nomme le Père qu'avec un tremblement dans la voix ! Qu'on l'appelle Horus ou Adonis, Atys ou Bacchus, Apollon, Sérapis ou Christ, qu'on le fête au moment de sa naissance ou de sa maturité, c'est toujours le Soleil, .père du temps, qu'on adore, le dieu aux mille noms, dit Orphée. Qu'il meure comme Adonis, blessé par un sanglier, ou comme Apollon, par le serpent Python, ou comme Osiris par Typhon, ce sont des Passions héliaques sur lesquelles on se lamente dans les mystères et d'éclatantes Résurrections qu'on célèbre. VIII. — LE ZIB LES POISSONS SIGNE DE GRÂCE. Mais le jour vient où l'Agneau ne passera plus, où il ne sera plus en croix. Il y a trop longtemps qu'il s'immole au salut de la terre ! Il ne fera plus ce sacrifice annuel, il brisera le thav, cette croix sur laquelle il passe depuis le commencement du monde. La grosse affaire pour les Juifs, c'est d'être dans les bras du thav, au delà duquel il n'y aura plus rien qui ne soit à Iahvé. Dans l'écriture juive — au propre et au figuré — la lettre suprême, c'est la dernière lettre de l'alphabet hébreu, c'est le Thav et le thav est une croix. La croix de l'Agneau, ou, si vous préférez, l'équinoxe du printemps, c'est le monde en équilibre périodique. C'est à cet équinoxe que l'équilibre se rompra. Mais cette rupture aura lieu au bénéfice des Juifs. Le Grand Agneau verra l'Accomplissement des temps, la Descente et la Victoire du Christ Jésus. Il faut donc être en deçà de la ligne, du côté du Zib. Les Poissons passés, il sera trop tard. Les Poissons étaient donc au premier et au dernier rang des signes du Zodiaque engagés dans le thème christien au dernier rang, parce qu'ils sont le Mille sous lequel Satan, chef des nations, devait être anéanti par le Christ ; au premier rang, parce qu'ils sont le signe précurseur de l'Agneau sous lequel devait commencer le Royaume de Dieu. L'idée du baptême rédempteur était inscrite au ciel dans le Zib. Il convenait que les Juifs fussent de ces Poissons-là. La première condition du salut pour un poisson, c'est d'être dans l'eau. Cette idée, fondement de la pisciculture, est également celui du baptême. Toute l'eau du ciel s'étant épuisée dans le déluge et le monde devant périr par le feu, il n'y avait de remède que dans l'eau sourdant de la terre, pour cela nommée eau vive. De là le caractère sauveur des sources comme celles du Jourdain, et des fontaines comme Siloë, Ænon, Kapharnahum. Contre le Christ la Terre est sans défense, masse énorme, mais immobile et faite pour recevoir ses coups sans pouvoir les rendre. Immobile, je le répète, comme le piédestal de cette croix mouvante qui est le Christ passant par les quatre points cardinaux. Sans la croyance à l'immobilité de la terre, point de croix, et point de Christ[25]. Car sur quoi s'appuiera la croix, et où le Christ posera-t-il le pied si la terre est ronde et qu'elle tourne[26] ? Iahvé négligea d'avertir Jehoudda que la terre était ronde et mobile. Quelle déception en effet si le Fils de l'Homme, au lieu de mettre pied à terre en Judée, allait descendre aux antipodes de Jérusalem, en un lieu où des hommes incirconcis auraient eu les pieds en haut et la tète en bas ! Jehoudda ne se demanda point par où les astres auraient accompli leur révolution si la terre eût été infinie, et il fut convenu que, devant les Révélations positives de Iahvé, on mépriserait profondément les sciences naturelles et physiques, source de tous les maux qui affligeaient les Juifs. On ne saurait en vouloir aux christiens d'avoir ignoré les formes du monde et les lois créées par Dieu. Beaucoup de savants païens et fort honnêtes pensaient là-dessus comme les Juifs. Lucrèce a soutenu qu'il n'y avait point d'antipodes et que le soleil n'était pas plus grand au ciel qu'il ne paraissait à l'œil. Cette thèse n'a rien de scandaleux dans la bouche d'un homme qui n'y mêle pas Dieu. Mais c'est un blasphème chez des gens qui disent Le dieu qui nous a révélé ces belles choses est le vrai Dieu, et qui ne tarderont pas à ajouter Si vous ne le croyez pas, nous vous tuerons de sa part. Le dieu qui a créé les lois de la pesanteur, de la gravitation et de l'attraction, et qui, semble-t-il, est le vrai Dieu, ne leur avait rien révélé du tout. S'il inspira des hommes sous Auguste, ce sont les païens sectateurs de Pythagore et d'où sont issus les Strabon et les Ampélius, que Jehoudda exclut du salut. La science antique nous a été volée pendant l'invasion christienne ; les paroles de Dieu à ses vrais enfants, les philosophes, ont été submergées par le flot des paraboles juives. Mais ils sont nombreux ceux à qui il avait dit à l'oreille Attention ! Je vous emporte à votre insu dans un mouvement rapide. La terre n'est point immobile dans le monde, ni le monde autour de la terre. Vous tournez autour de corps qui tournent autour de vous[27]. N'allez pas vous figurer que je descendrai un jour pour faire votre connaissance, et surtout ne m'insultez pas au point de croire que j'enverrai pour juger les hommes un petit Juif de Gaulanitide qu'on va crucifier sous Tibère pour crimes de droit commun. IX. — LA GRANDE ANNÉE, LE GRAND JOUR. L'Apocalypse de Jehoudda résultait et d'une tradition exaltée par le zèle religieux et d'un plagiat astrologique corroboré par quelques observations. Outre les Douze signes, les Sept planètes jouaient un rôle éminent à raison de la situation qu'elles occupaient au début du monde. Lorsque l'état du ciel les, ramènerait à leur point de départ, le Christ prendrait lui-même la direction des Douze Apôtres, et cette Année-là c'en serait fait de Satan qui gouvernait l& monde contre les Juifs[28]. Quand viendrait la Grande Année, le Mille du Zib, comme disait Jehoudda ? En l'an de Rome 739, il estimait qu'environ cinq cycles s'étaient écoulés depuis Adam, et que le Mille en cours ou Mille du Sachû le Verseau finirait avec le 14 nisan 788[29]. Le Douzième mille ou Mille du Zib commencerait le soir même et le Christ viendrait avec l'Agneau de la pâque. Toutefois il ne fallait pas que les Juifs s'imaginassent éluder le Jugement. Les Douze Apôtres jugeraient les douze tribus. Sur le Jugement de Dieu, toutes les Écritures s'accordaient. L'idée pouvait effrayer, elle ne pouvait pas surprendre. Moïse et les prophètes annonçaient tous cette terrible journée d'Iahvé, mais tous ne promettaient pas aux Juifs l'empire d'un monde créé exprès pour eux. Beaucoup croyaient qu'en ce jour il y aurait Fin du monde et Jugement sans appel. Il fut révélé à Jehoudda qu'avant cette solution le Christ viendrait renouveler la terre par un Jugement d'attente et pour une période de mille ans après laquelle le Père lui-même prononcerait l'arrêt définitif. Il dépendait des Juifs d'échapper à la destruction partielle en même temps qu'aux conséquences du Premier jugement, lesquelles n'étaient pas minces. En observant la Loi avec autant de rigueur contre les Juifs adultères que contre les païens, ils gagneraient le salut et régneraient mille ans avec le Christ, jusqu'à ce que vînt à son tour le Royaume éternel du Père. Ceux qui auraient abandonné cette Loi, révélée à Moïse par le Verbe, ceux-là iraient en enfer confondus avec les autres hommes — la plus dure de toutes les punitions ! Ceux qui l'auraient servie sans défaillance iraient dans l'Eden millénaire, et là ils jouiraient d'un bonheur dont ils ne pouvaient se faire qu'une faible idée, étant donné la pauvreté de l'imagination humaine. Mille ans, cela pouvait sembler long pour des esprits superficiels. Mais quoi ! le Verbe avait, au gré de sa puissance, fait vivre des hommes sept cents, huit cents, neuf cents ans, il avait modelé de ses mains Hénoch et Élie qu'il avait soustraits à la mort et transportés dans le ciel. A quoi bon pleurer le Paradis terrestre ? Iahvé pouvait le rendre à ceux qui croyaient en son Christ. Qu'était-ce, pour lui, de faire qu'on vécût en ce séjour une seconde vie égale à celle qu'avaient vécue les patriarches ? Mille ans, qu'était-ce pour celui qui avait créé le temps ? Les Juifs se plaignaient du raccourcissement de la vie, l'attribuant non au premier péché mais à ceux des générations nouvelles. Le premier péché, on l'expiait par la mort, mais celui des générations, par une diminution de longévité. Ah ! le bon temps que celui où les hommes atteignaient dix-neuf jubilés, près de mille ans ! Mais comme il a passé vite ! Quand on pensait qu'Abraham avait eu de la peine à vivre jusqu'à cent soixante-quinze ans ! Aujourd'hui on s'estimait vieux quand on arrivait à quatre-vingts ! Quelle misère ! Mais patience, voilà que Iahvé va faire périr cette terre souillée par l'existence des incirconcis, il la refera pour les Juifs seuls et leurs jours s'allongeront sans fin. Pendant tout le Mille du Zib c'est le Christ Jésus qui régnait[30]. Il coupait l'Arbre de la science du bien et du mal dont le fruit avait perdu Adam, le jetait au feu et replantait l'Arbre de vie dont le fruit était éternel. A la fin du Douzième mille, le songe de Joseph était accompli, et Iahvé se réunissait à son peuple sur les derniers débris du monde païen. Nouvelle étape dans notre voyage en Turquie! Après nos débuts dans la jolie ville d’Izmir et un petit crochet par les ruines d’Ephèse nous sommes ensuite partis visiter l’un des sites les plus touristique de Turquie, j’ai nommé Pamukkale. Dans cet article on va commencer par un petit point sur les sites de Pamukkale et Hierapolis en général, puis en enchaînera avec tous nos meilleurs conseils pour visiter ces 2 sites pour voir les plus jolis points de vue, mais aussi éviter un peu les foules. En fin d’article on vous donnera notre ressenti sur ce lieu. Vous le verrez, notre avis est assez mitigé… Un site sublime, mais qui semble payer le prix cher du tourisme… Pamukkale Présentation du site Le nom de Pamukkale signifie “château de coton” en turc et c’est vrai que ça y ressemble pas mal. 🙂 Cette étrange “cascade blanche” est à la base un phénomène 100% naturel. Déjà à la période romaine, ces grands bassins étaient utilisés pour le bain… Hierapolis a d’ailleurs été construit à côté de ce site naturel qui existait déjà à l’époque on parle d’il y a plus de 2000 ans quand même. Mais comment tout cela s’est-il formé au juste? En fait, l’origine de ces bassins c’est les eaux thermales qui ont leur source juste un peu plus haut. C’est la coulée de cette eau ultra chargée en caclite qui s’évapore sur les falaises qui a entrainé la formation de ces travertins qui ressemblent un peu à une succession de petits nuages de coton. Depuis de nombreuses années ce site est l’un des hauts lieu du tourisme en Turquie. A une certaine époque il y a carrément eu des hôtels qui ont été construits sur le haut des terrasses. Ces derniers ont fort heureusement été détruits au moment où le site a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988. Hierapolis le superbe bijou voisin qui est souvent un peu “oublié” Bizarrement on en entend moins parlé, pourtant Hierapolis se trouve sur le même site que Pamukkale! Cet cité thermale antique a été fondée au IIème siècle avant Jésus Christ par Attalides de Pergame. La cité a été complètement détruite par un tremblement de terre et a, par la suite, été reconstruite dans un style 100% romains cette fois aux environs de l’an 100. Ce site est une vraie pépite si vous voulez notre avis! Quand nous nous y sommes promenés il n’y avait tout simplement pas un chat! Si on considère que près de 2 millions de touristes visitent Pamukkale chaque année cela semble totalement fou… L’unique site de Hierapolis où on croisera une trentaine de personnes sera dans l’amphithéâtre. Vous le savez, nous ne sommes clairement pas les plus doués en histoire… Donc plutôt que de vous faire un simple résumé de nos lectures sur les panneaux d’information présents sur le site je préfère vous recommander ce chouette article sur le blog Histoire à sac à dos pour en apprendre un peu plus sur le contexte historique et l’évolution de cette cité au fil des siècles. Après qu’on se le dise… nul besoin d’être un crack en histoire pour apprécier la beauté de ce lieu! Les amoureux de nature que nous sommes avons largement été servis par les paysages aussi! 🙂 Carte de Pamukkale et suggestion de visite Au moment de préparer notre visite nous avons fait quelques recherches en ligne pour trouver une carte du site et bizarrement on a eu bien du mal à trouver quelque chose de concret. Bon, vous me direz que c’est bien car comme ça nous avons eu un peu la surprise de cet immense site. 😉 Mais comme on aurait quand même bien voulu nous représenter ça un peu mieux avant la visite, voici un petit plan pour vous repérer On vous a mis ci-dessus des numéros à tous les endroits auxquels on recommande de passer. partout? peut-être… ;. Les numéros sur la carte sont utilisés en référence dans le texte. Pamukkale 1 ce n’est pas réellement un “vrai” village; c’est plus comme une base de visite pour le site avec plein d’hôtels, des restaurants, des agences de voyages et des petits commerces. Que vous décidiez de loger ici ou d’arriver depuis Denizli ou ailleurs vous allez forcément passer par là… Pour accéder au site il faut se rendre à l’entrée qui se trouve en haut du village 2. A partir de ce point il faut retirer ses chaussures et monter la grande allée construite au milieu de quelques bassins artificiels pour rejoindre le haut du site. la grande allée artificielle qui relie le village au sommet du site Le point N°3 de la carte c’est LE spot où tout le monde se retrouve. Les bassins en terrasse qu’on voit sur toutes les photos ne sont pas accessibles et peuvent uniquement être pris en photo d’en haut. A ce sujet, on vous recommande de vous diriger vers la droite quand vous êtes face à la vue 4. Depuis ce côté, on a une jolie vue latérale sur les bassins et il y a déjà beaucoup moins de monde! Pour poursuivre la visite on vous conseille de continuer sur la passerelle en bois qui longe l’ensemble du site. Plus on avance, plus on est seul! Après quelques centaines de mètres on arrive à hauteur d’autres bassins qui sont très jolis. Allez jusqu’à l’endroit où la passerelle s’arrête 5 puis remonter sur l’allée centrale. De là, vous pourrez rejoindre les ruines de Hierapolis 6 et suivre la grande allée entre les colonnes. Ensuite on peut partir sur la gauche 7 par des petits chemins assez peu entretenus pour rejoindre l’église qui se trouve tout en haut du site 8. Note les sentiers sont bien indiqués sur Pensez à télécharger l’application gratuite et à charger la carte du site avant votre visite pour l’avoir hors ligne. Depuis l’église on peut rejoindre l’amphithéâtre 9 puis redescendre au niveau des bassins. Là, on vous recommande un dernier détour pour aller tout au bout des passerelles qui se trouvent à gauche des principales 10. Ici aussi il y a d’autres bassins à voir et le coin était absolument désert lors de notre visite… En tout notre balade faisait environ 10-12km et nous avons mis 4h à faire le tour en faisant plein de photos Les infos pratiques à connaître avant votre visite Au moment de préparer notre visite nous avons pas mal galéré à trouver des infos en ligne… Ou disons plutôt qu’on trouvait de tout et son contraire, surtout au niveau des prix et des horaires. Apparemment cela change drastiquement chaque année… Voici donc les dernières infos toutes fraîches de mai 2019 le bain qui n’est pas compris dans le prix Le site est ouvert tous les jours de 8h à 18h. Pour éviter les foules on vous recommande clairement de venir à l’ouvertureLe prix d’entrée est de 50 TL, 80 TL, 200 TL Juillet 2022 L’entrée comprend l’accès à Pamukkale, à Hierapolis mais cela ne comprend pas les bains qui se trouvent au sommet du site, ni le musée 50 TL de plus pour se baigner dans les sources… un bain qui, selon nous, n’en vaut pas spécialement la peine. Un billet combiné pour Pamukkale, Hierapolis et le musée est disponible pour 100 TL c’est certainement plus cher en 2022 mais on n’a pas les derniers chiffresLa sortie du site est définitive. Si comme nous vous venez à l’ouverture vous ne pourrez pas sortir en milieu de journée puis revenir pour le coucher du soleil. Il faudra repayer une entréeDurée de la visite Si vous ne voulez voir “que” les bassins alors vous aurez probablement fait le tour en 1h… Mais cela serait VRAIMENT dommage de se limiter uniquement à ça. Nous avons passé 5h sur le site et avons eu bien le temps de entrées se trouvent sur le haut du site où arrivent les bus. Si vous êtes en indépendant le plus simple est d’entrer par l’entrée qui se trouve dans le village point 1 sur la carte.On vous recommande vraiment de venir en indépendant! De nombreuses agences organisent des tours depuis la côte mais ces tours sont vraiment speed… Beaucoup d’heures de route et très peu de temps sur place. La plupart des groupes ne restaient pas plus de 2h, ce qui n’est largement pas assez pour aller visiter L’eau présente dans les bassins est régulée par des robinets… Apparemment certains jours toutes les vannes sont ouvertes, mais d’autres… ben c’est fermé! Les terrasses principales ne sont donc pas systématiquement remplies d’eau! Ceci est fait afin de préserver le site et permettre aux terrasses de conserver leur couleur la visite des bains il est obligatoire d’être pieds nus. Pensez à prendre un sac à dos pour y mettre vos parlant de chaussure, on vous recommande des baskets… car mine de rien le site est très grand!N’oubliez pas de prendre une casquette, des lunettes de soleil et de la crème solaire. le soleil tape fort!!!Pour faire des économies emportez assez d’eau et des snack / un pique-nique. Il est possible d’acheter des trucs au magasin des bains, mais c’est hors de prix! La bouteille d’eau est vendue 8 fois plus cher que dans le village c’est vous dire!Il est possible de se baigner dans certains bassins. Cela ne nous a pas paru fou d’aller nous allonger à côté de tout ce monde, mais si vous rêver de vous trempez, mettez un maillot de bain sous vos si vous visitez le site et que vous constatez que l’une des infos ci-dessus n’est plus à jour n’hésitez pas à nous laisser un commentaire ou à nous envoyer un message. Cela nous permettra de maintenir ces infos à jour! Venir à Pamukkale et où loger Arriver à Pamukkale Le plus simple pour venir à Pamukkale en indépendant c’est d’arriver depuis la gare des bus de Denizli. Si vous arrivez d’ailleurs en Turquie par la route vous arriverez très probablement au terminal qui se trouve dans le haut de la station de bus. Pour notre part nous étions arrivé en train depuis Selçuk 17,5 TL le trajet, plusieurs train par jour. Depuis la gare de Denizli il faut rejoindre la gare des bus qui se trouve dans un grand bâtiment juste en face de la gare ferroviaire. Les navettes qui vont à Pamukkale depuis Denizli partent très régulièrement environ toutes les 20 à 30 minutes. Pour prendre le minibus Dolmus en turc il faut descendre à l’étage inférieur de la gare des bus et aller sur le quai 76. Le trajet dure environ 20 minutes et coûte 4,5 TL 5 TL prix mars 2020 par personne environ 0,7€. Pour vous loger à Pamukkale ce n’est pas le choix qui manque. Nous sommes arrivés sans réserver et avons fini à l’hôtel Beyaz Kale. Rien de bien fameux, mais un très bon rapport qualité prix et c’est tenu par une gentille famille. Pour 150 TL 22€ nous avions une chambre double avec salle de bain, une petite piscine et un super petit déjeuner avec plein de fruits frais compris dans le prix. Réserver cet hôtel en ligne. Pour voir tous les hôtels et apparts dispos à vos dates vous pouvez aussi regarder sur la carte ci-dessous. Ajustez simplement les filtres pour affiner votre recherche. Pour manger à Pamukkale Franchement, l’offre n’est pas ouf… Les restaurants du village sont relativement chers pour la qualité. Nous avons mangé un soir au Kayas très bon, petites portions et l’autre soir au Tikir Grill House excellentes pides pizzas turques, pas cher et très bon accueil. Le midi nous avons pique-niqué sur le site. Pamukkale L’autre facette de ce lieu très touristique Pamukkale est un site très connu et on voit d’ailleurs souvent des photos de ce “château de coton” pour illustrer des brochures de voyage de la Turquie. Alors c’est indéniable, le lieu a quelque chose d’assez unique; ces terrasses toutes blanches et cette eau absolument cristalline dans laquelle se reflète le ciel bleu c’est juste hyper photogénique. Benoit s’est d’ailleurs régalé à prendre des photos… Néanmoins, il nous paraissait aussi important de vous montrer aussi un peu des photos moins “parfaites” et surtout qui vous mettront un peu plus dans l’ambiance si vous prévoyez de venir visiter Pamukkale. Qu’on se le dise, on n’essaie pas de vous décourager à venir, mais simplement on aimerait éviter que vous ayez une point de déception en voyant tout le “cirque” qui se trame autour de ces bassins une fois sur place… Les images parlent plus que les mots je crois… Qu’il y ait du monde c’est normal… nous-même sommes sur place et il serait très égoïste de dire que ce lieu serait mieux avec moins de monde. Après j’avoue que ce qui nous a tout particulièrement choqué ici, c’est le nombre invraisemblable de personnes qui semblent n’être là que pour capturer LA photo pour leur Instagram. Des sites touristique on en a vu un paquet, mais jamais nous n’avons été aussi marqués par un tel cirque à coup de perche à selfie et de tenue ultra étudiées pour les photos. Et bon… les aras on en parle??? Ces pauvres perroquets qui passent leur journée à se faire trimballer d’un selfie à un autre… c’est tout simplement fou que des choses comme ça restent permises à notre époque, qui plus est sur un site de l’UNESCO… Après il faut toujours rester positif! Le fait que beaucoup ne semblent venir que pour cette même photo, cela laisse beaucoup de place pour découvrir les autres parties du site! Le contraste entre les foules du “spot principal” et les bassins sur le côté et plus particulièrement Hierapolis est juste incroyable. Profitons-en! Le mot de la fin Pour résumer je dirais que nous sommes quand-même très content d’être venus sur ce site, ne serait-ce que pour les sublimes ruines de Hierapolis. Après, je ne vous cache pas que nous avions initialement prévu de rester pour le coucher de soleil sur les bassins qui doit être magnifique si vous voulez mon avis, mais étant arrivés à l’ouverture nous n’avions tout simplement pas le courage de rester jusqu’à 19h… Si vous décidez de venir, on vous encourage vivement à ne pas vous laisser décourager par la foule aux bassins principaux. Venez baskets aux pieds et partez explorer un peu le reste du site, vous verrez vous ne serez pas déçus! Et par pitié, ne faites pas de selfie avec un ara… On vous embrasse et on vous dit à dans 10 jours! Car oui, demain nous partons pour 7-9 jours de trek le long de la voie lycienne! Pour nous suivre en live, venez nous rejoindre sur Instagram où nous essaierons de faire des stories quotidiennes si le réseau le permet. Et promis, pas de selfie en bikini en vue 😉 Epingler sur Pinterest Note Cet article contient des liens affiliés. En passant par nos liens pour réserver un logement ou une activité, vous ne payez bien évidemment rien de plus, mais par contre nous toucherons une petite commission. Cela nous permet de continuer à vous proposer des contenus indépendants et sans publicité. Paroles de la chanson Jean Bertola Le Revenant lyrics Le Revenant est une chanson en Français Calme, confortable, officiel, En un mot résidentiel, Tel était le cimetière où Cet imbécile avait son trou. Comme il ne reconnaissait pas Le bien-fondé de son trépas, L'a voulu faire - aberration ! - Sa petite résurrection. Les vieux morts, les vieux "ici-gît", Les braves sépulcres blanchis, Insistèrent pour qu'il revînt Sur sa décision mais en vain. L'ayant astiquée, il remit Sur pied sa vieille anatomie, Et tout pimpant, tout satisfait, Prit la clef du champ de navets. Chez lui s'en étant revenu, Son chien ne l'a pas reconnu Et lui croque en deux coups de dents Un des os les plus importants. En guise de consolation, Pensa faire une libation, Boire un coup de vin généreux, Mais tous ses tonneaux sonnaient creux. Quand dans l'alcôve il est entré Embrasser sa veuve éplorée, Il jugea d'un simple coup d'œil Qu'elle ne portait plus son deuil. Il la trouve se réchauffant Avec un salaud de vivant, Alors chancelant dans sa foi Mourut une seconde fois. La commère au potron-minet Ramassa les os qui traînaient Et pour une bouchée de pain Les vendit à des carabins. Et, depuis lors, ce macchabée, Dans l'amphithéâtre tombé, Malheureux, poussiéreux, transi, Chante "Ah ! ce qu'on s'emmerde ici" ! Crédits parole paroles ajoutées par poussin285 La mort a un double aspect elle est le non-être. Mais elle est aussi l’être, l’être atrocement matériel du cadavre M. Kundera, 1987 [1978] 262, cité par H. Guy, 2012 3.Car un cadavre est essentiellement une absence, une chose quittée [...] celui que nous aimons [...] laisse entre nos bras cette part de son être, la seule visible, la seule tangible, et qui pourtant ne lui ressemble plus F. Mauriac, 1934 53, cité par J. Candau, 2012 33. 1Je me propose ici de montrer que le cadavre possède naturellement toutes les qualités requises pour être investi du rôle dévolu dans des sociétés non occidentales, en l’occurrence océaniennes, à des artefacts considérés comme des plus sacrés qui ont focalisé l’attention d’un certain nombre d’ethnologues. Pour ce faire, je prendrai appui sur les travaux que j’ai menés sur l’un des objets cultuels des Aranda, un groupe aborigène du désert central australien le churinga ou tjurunga Moisseeff, 1994, 1995. De fait, cet objet occupe une place majeure, non seulement dans les rites des Aborigènes du désert central australien, mais aussi dans la littérature anthropologique. Or les conditions à même de rendre compte de la sacralité paradigmatique dont on le dote reposent, d’un côté, sur sa matérialité paradoxale, de l’autre, sur la charge émotionnelle qu’il est susceptible de générer. 2Dans la cosmologie des Aborigènes australiens, la différenciation de toutes les formes, qu’il s’agisse d’entités matérielles à proprement parler – traits du paysage, êtres vivants, objets cultuels, etc. – ou de principes organisateurs de la vie sociale et de traits culturels spécifiques, est attribuée à un même dynamisme, le mouvement spatial, que l’on désigne dans l’anthropologie de cette aire culturelle comme le Rêve ». Mais si le Rêve est la source de toute chose différenciée, il demeure pour sa part invisible. Seuls les churinga sont aptes à donner prise à une représentation tangible de ce dynamisme ontologiquement transparent. Cet objet plat, en bois ou en pierre, est, en effet, considéré comme une concrétion du Rêve sa surface est sillonnée d’empreintes exprimant de manière elliptique le mouvement du Rêve qui l’a généré et dont il représente lui-même la trace. Il est une parcelle de paysage porteuse des conditions de sa propre apparition et, en définitive, le seul référent auquel l’objet renvoie est lui-même, ce qui l’institue en objet autoréférentiel. Et c’est en vertu de ce statut qu’il est possible d’assigner au churinga un rôle de signifiant particulier lui permettant, sur les terrains cérémoniels où il est mis en scène, de présentifier la manifestation de l’instance à laquelle est attribuée l’efficacité rituelle, à savoir la transformation des novices en initiés ou la reconduction de la fertilité des différentes espèces. Sa matérialité énigmatique l’autorise à maintenir l’invisibilité de la transcendance qu’il prétend montrer et dont l’efficience se fonde précisément sur l’impossibilité de la voir. Si je qualifie la matérialité du churinga de paradoxale, c’est qu’elle montre autant qu’elle masque la représentation de la transcendance que l’objet est censé évoquer. 3Il est strictement interdit aux femmes et aux enfants de voir et a fortiori de manipuler des churinga. Les hommes adultes affiliés à un centre cultuel donné sont, en effet, les seuls à pouvoir utiliser, dans les rites dont ils ont la charge exclusive, les churinga associés à ce centre, de même qu’ils sont seuls à connaître la signification des signes apposés à la surface de ces objets. Toutefois, pour accéder à ce privilège, il leur faut subir de nombreuses épreuves au cours des étapes qui jalonnent la longue trajectoire initiatique masculine. 4Les initiés masculins attribuent à chaque enfant un churinga qui est le pendant, dans le domaine sensible, de l’esprit qu’il incarne. En effet, esprit et churinga sont tous deux associés à la singularité de l’identité personnelle et ils sont censés entretenir un lien intime spécifique rendant compte de l’étymologie du terme servant à désigner cet objet sacré paradigmatique. Tju qualifie quelque chose de secret ou de honteux, et runga signifie sien propre ». Or, en milieu aborigène, révéler la part secrète de soi est censé générer un sentiment de honte Myers, 1979. Si l’objet est tjurunga, c’est qu’en présentifiant, au travers de sa matérialité à la fois tangible et singulière, ce qui est invisible, en l’occurrence l’esprit, il expose la part la plus fragile et la plus intime de la personne à laquelle il est associé. Il est donc logique qu’il soit considéré comme l’objet le plus sacré et que son exhibition au cours des rites constitue une transgression fondamentale requérant, par là même, des procédures d’exception que les initiés masculins sont seuls habilités à mettre en œuvre. De fait, en toute autre circonstance, un tel objet doit demeurer parfaitement caché non seulement les inscriptions dont il est porteur participent à la dissimulation du sens qu’il est censé receler, mais il est à l’ordinaire revêtu d’un épais harnachement de ficelles de cheveux et dissimulé dans un endroit creux du paysage dont les environs sont strictement interdits aux non-initiés sous peine de mort. On comprendra donc que la cérémonie au cours de laquelle un homme est convié à rencontrer son churinga personnel soit l’étape ultime de son initiation et qu’elle soit décrite, en raison de l’intensité des émotions qu’elle suscite chez lui, comme étant de loin la plus impressionnante des phases initiatiques. 5Parmi les opérations pratiquées à cette occasion, la plus importante consiste à graver sur son front les inscriptions recouvrant la surface de son churinga personnel. Il est alors autorisé à voir et à toucher pour la première fois son churinga, et on lui révèle que l’esprit qu’il incarne a émané de cet objet. La nature sèche et solide et, par là, imputrescible du churinga le dote d’une permanence qualifiée d’éternelle à l’instar des autres éléments du paysage, alors que celle de l’initié est vouée, à terme, à une dissolution d’autant plus complète que tous les autres biens matériels associés à sa personne seront, à sa mort, entièrement détruits par le feu. Au moment de sa rencontre avec son churinga, l’initié voit donc simultanément la chose à partir de laquelle il est censé avoir émergé et ce qui subsistera de lui en tant que support unique de l’identité qu’il aura physiquement, mais seulement temporairement, incarnée. Lorsque le churinga et son propriétaire sont mis en présence, l’objet renvoie donc à la composante inaltérable qui sous-tend l’identité de l’initié, tandis que le corps de celui-ci renvoie, lui, à sa composante périssable et transitoire. 6L’esprit qui rattache le corps de tout individu à son churinga est censé disparaître quelque temps après l’exécution de la cérémonie clôturant la période de deuil prescrite aux proches du défunt dont la durée correspond au délai nécessaire à la dissolution des chairs. L’abandon du corps par l’esprit qui l’animait et qu’il incarnait – leur disjonction définitive – le transforme en une chose quittée », c’est-à-dire en une entité purement physique qui ne fait que se représenter elle-même dans la mesure où elle ne reflète plus la subjectivité du défunt. Le cadavre est, dans cette optique et à l’instar du churinga, un objet autoréférentiel mais, à la différence de ce dernier, chez les Aranda qui n’ont aucune propension au culte des restes humains, sa vocation ultime est de se dissoudre dans le paysage, les traces de son inhumation étant elles-mêmes, à terme, vouées à l’oubli. La remémoration cérémonielle des morts consiste, pour les initiés masculins, à examiner et à prendre soin des churinga des défunts suscitant chez eux les émotions les plus vives. 7En Occident, les restes humains ont récemment acquis une sacralité qu’ils n’avaient pas par le passé. Parallèlement, on leur fait subir, de plus en plus souvent, un traitement particulier dont a la charge un groupe restreint d’officiants, médicaux ou paramédicaux, ayant pour cela suivi une initiation spécifique les mettant directement en contact avec des cadavres. Les profanes que sont les proches des défunts tendent, en effet, à être mis à l’écart des procédures les plus violentes appliquées aux cadavres pour les apprêter de sorte à les leur rendre plus tolérables ils en sont les destinataires mais non les exécutants ni même, en général, les témoins. De fait, la matière cadavérique, nous y reviendrons, a des propriétés répulsives puissantes que l’on cherche ici à canaliser, son maniement étant relégué dans des enceintes interdites au public dans des institutions médico-légales et/ou des établissements funéraires. Dans le même ordre d’idées, on remarquera que le recours de plus en plus banalisé à l’incinération, à la thanatopraxie, voire à la plastinisation infra, incline à conférer un aspect imputrescible au cadavre, sinon analogue du moins comparable à la nature incorruptible des churinga. 8On relèvera, par ailleurs, que la présence lourde de la matérialité du churinga sous-tendue par son autoréférentialité peut être rapprochée de l’expérience universelle du non-être » de la dépouille atrocement matérielle », parce que laissée vacante, du défunt. Et c’est cette vacuité qui se montre, paradoxalement, d’une efficacité redoutable pour présentifier l’invisible l’absence du mort, son esprit, des forces surnaturelles. L’autoréférentialité, qu’elle soit artefactuelle ou naturelle, transforme ainsi des choses inertes, churinga ou cadavre, en agents inducteurs de violentes émotions. Chez les Aranda, le rôle des churinga vise à les susciter chez les officiants du culte qui leur est rendu. Dans les sociétés occidentales contemporaines, le traitement appliqué à la dépouille mortelle par les professionnels chez qui il persiste à provoquer les sensations les plus fortes, vise, semble-t-il, à en atténuer les effets émotionnels chez les proches. 9Dans les pages qui suivent, je vais établir un rapprochement entre certains aspects de cet objet cultuel exemplaire qu’est le churinga, qui rendent compte du rôle qu’on lui fait jouer dans les rites aranda, et certaines qualités intrinsèques au cadavre qui, selon moi, permettent aujourd’hui de lui faire jouer un rôle différent, mais tout aussi fondamental quoique passant souvent inaperçu, dans les sociétés occidentales contemporaines. En effet, en dépit de ce qui les oppose, artefact incorruptible, pour l’un, objet naturel putrescible, pour l’autre, il s’agit, dans les deux contextes culturels respectivement considérés, d’entités qui s’imposent comme des objets cultuels investis d’une sacralité en raison de leur aptitude à générer des émotions intenses, de leur matérialité autoréférentielle, et de leur prise en charge par un groupe restreint d’officiants légitimés à le faire en raison d’une initiation spécifique imposant la confrontation directe avec ces objets. 10Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas ici de prôner une analogie entre ces deux types d’objets mais de mettre en relation, à des fins comparatives, les caractéristiques, communes et distinctives, de leur matérialité et de leurs rôles socioculturels respectifs pour mieux mettre en lumière le rôle d’objet cultuel exemplaire du cadavre dans les sociétés occidentales contemporaines. Pour ce faire, il convient d’examiner avec la plus grande attention la nature spécifique de la matérialité du corps mort et son aptitude à générer des émotions d’une singulière violence. De l’art d’évoquer l’effroi 11Le cadavre semble avoir une aptitude naturelle à provoquer des sensations difficilement contrôlables L’individu le plus aguerri aux cadavres n’est pas inaccessible à la peur. C’est un phénomène imprévisible auquel tout le monde est sujet », nous confia le [...] médecin-chef de la Morgue, habitué aux quotidiennes autopsies d’organismes en décomposition et aux pourritures des tombeaux. Une fois, dit-il, [...] devant le corps presque nu d’une femme assassinée, étendue sur le parquet de sa chambre, j’éprouvai une peur atroce, et sans que rien ne m’en fît découvrir la plus petite cause. Je fuis en claquant des dents et je ne serais jamais revenu auprès de cette morte avant d’être accompagné par plusieurs personnes » Ganche, 2012 [1909] 10-11. 12Cette capacité du cadavre de susciter une expérience émotionnelle d’une exceptionnelle intensité le rapproche de certains artefacts qualifiés de sacrés, plus exotiques Derlon, Jeudy-Ballini, 2010. Mais n’étant, lui, pas un artefact, il doit être considéré comme le prototype même de tels objets cultuels. Il partage, en effet, avec eux la disposition paradoxale d’exercer une force sur les vivants alors qu’il est inerte. Les citations que j’ai mises en exergue expriment remarquablement bien cette altérité foncière et paradoxale que revêt la dépouille d’un proche. Toutefois, le recours à l’hyperbole et/ou à l’amplification dont use la dramaturgie de la littérature horrifique, en évoquant plus directement les sensations physiques ressenties, est plus adéquat pour traduire la terreur provoquée par le spectacle de la matérialité abominable du cadavre. Qu’on en juge Et celle qui, partout accompagne la Mort [...], la Peur, résidait là [la morgue] dans son royaume. Elle détraquait les cerveaux des vivants, et pour eux savait animer les faces des morts, les agiter dans leur suaire, les mettre debout [...]. Elle agrippait aux épaules les hommes [...] leur soufflait dans la nuque ses frissonnantes terreurs, gelait leurs moelles, les secouait [...]. Les pauvres corps inanimés, enveloppes évacuées par la vie, [...] ne gardaient plus qu’un pouvoir, celui d’horrifier les vivants ou de les mettre en fuite, par leur hideur ou leur pestilence Ganche, ibid. 81-82. 13La sensation violente et captatrice, plutôt que la distanciation esthétique ou scientifique est, de fait, selon Georges Bataille, la voie privilégiée pour accéder à la connaissance directe, quasi organique Brazzini, 2010 57 de l’irréductible “hétérogène” du réel » Stronge, 2006 116. Et ce réel renvoie, pour lui, au numineux que Rudolf Otto auquel il se réfère désigne comme l’effrayant, le terrible, le hideux, et parfois même le répugnant » 1995 [1917] 99, ce qui nous est étranger et nous déconcerte, ce qui est absolument en dehors des choses habituelles, comprises, bien connues et partant “familières” » ibid. 46. Pour Bataille, comme pour Otto, ce tout autre » est le sacré Bataille, 1930 397. Selon moi, ces vocables s’appliquent aussi parfaitement au cadavre et aux sensations physiques qu’il produit. Et il n’est certes pas fortuit que Bataille, pour évoquer le sacré, fasse souvent appel au cadavre, dans son œuvre littéraire comme dans ses écrits théoriques. Mais dans ce dernier cas, c’est pour souligner l’inadéquation de la méthode scientifique en ce domaine parce qu’elle procède par abstraction et séparation » et que le sacré est l’exact opposé de tout objet abstrait ». Pour l’illustrer, il fait appel à l’image du corps d’un enfant sur une table de dissection en opposant les positions du scientifique, pour qui c’est un objet anatomique offert à l’observation savante », et de la mère, pour qui ce qui est en cause est la totalité de l’être » Bataille, 1988 [1951] 49, cité par Paul Stronge, ibid. 119 qui entre dans la méta-catégorie hétérogène du sacré ». Celle-ci n’est pas principalement déterminée du dehors [...], mais de façon générale du dedans et du dehors, quand il s’agit de réactions que nous-mêmes vivons » Bataille, 1988 [1946] 60, cité par Stronge, ibid. 117. On passe alors des catégories séparées du monde homogène et objectif de la science à l’aspect inassimilable et subversif du sacré de l’expérience vécue cf. Stronge, ibid. 130-131. 14Pour restituer l’expérience vécue par la mère, il faut donc adopter une démarche strictement inverse à celle consistant à procéder par distanciation, séparation et abstraction. On est alors à même de reconnaître que ces sensations sont à la fois déterminées du dehors, via la perception de la dépouille atrocement matérielle, et du dedans, via les émotions éveillées par la réalité incorporée de la relation intime et affective à la personne qui incarnait ce cadavre et dont le proche recèle en son for intérieur la part subjective qui s’en est échappée. Le poids de la corporéité en excès du cadavre révèle au public une intimité que la présence de la subjectivité du sujet vivant qui l’animait masquait avant sa mort. De l’inquiétante étrangeté du cadavre 15L’appropriation des corps par la médecine prend son élan au moment de la naissance concomitante, à la Renaissance, de l’anatomie et de la dissection Mandressi, 2003, 2013, c’est-à-dire de la chosification du cadavre à des fins profanes qui rendra possible son exposition ultérieure dans les musées. L’un des derniers avatars de ce type de réification de la dépouille mortelle renvoie aux installations esthétisantes de Von Hagen les écorchés sont aseptisés grâce au recours à la technique de plastination permettant de les dégraisser et de les rendre inodores et, par là, inoffensifs, l’odeur étant l’inducteur majeur du dégoût inspiré par les cadavres Walter, 2004a & b ; Candau, 2012 ; Bertrand, 2012. En conséquence, ils tendent, comme le remarquent certains visiteurs, à se révéler pour ce qu’ils sont vraiment des coquilles dépourvues d’âme, des lieux » autrefois habités, aujourd’hui abandonnés Walter, 2004b 476. Mais lorsque cette enveloppe impassible est pourvue d’un visage et est celle d’un proche, il en va tout autrement. Il en émane alors un effet d’ inquiétante étrangeté », formule forgée par Marie Bonaparte pour transcrire l’intraduisible expression freudienne das Unheimliche Stirn, 2014, renvoyant à l’angoisse étreignant un sujet lorsque l’intime surgit comme étranger, inconnu, autre absolu, au point d’en être effrayant. [...] Quelque chose alors dépasse le sujet, quelque chose qui vient d’ailleurs, d’un Autre qui impose son obscure volonté » Menès, 2004 21. 16Pour Freud, ce qui se rattache à la mort, aux cadavres et au retour des morts, aux esprits et aux fantômes » suscite à l’extrême, et de façon privilégiée, ce type d’expérience 1976 [1919 26]. De fait, le poids de la corporéité de celui qui est passé de vie à trépas a la capacité de métamorphoser l’intime familier en altérité radicale, en présentifiant avec une singulière acuité la disparition du défunt dont le souvenir internalisé peut alors venir hanter les survivants. Le spectre est la rémanence de l’image du corps animé restant imprimée dans le for intérieur des proches ou telle qu’elle peut être fantasmée par d’autres également confrontés à l’inanité de la matière cadavérique. Cette image désincarnée mais animée est, et c’est un paradoxe existentiel, ontologique, produite par le surgissement d’une entité incarnée mais inanimée dont la redondance de corporéité – son référent est la matière elle-même et uniquement elle – convoque une présence énigmatique l’inquiétante étrangeté. En une telle occasion, l’angoisse qui s’empare de nous fait rupture dans le vécu ordinaire et elle nous fait lâcher prise. Et c’est alors, comme l’énonce Bataille, que nous nous perdons, nous oublions nous-mêmes et communiquons avec un au-delà insaisissable » 2008 [1954] 2. Et, pour cet auteur, cet au-delà insaisissable, indicible, c’est l’expérience du sacré » Brazzini, 2010 69. 17La désertion de l’esprit » du défunt confère à son corps un poids matériel singulièrement lourd. Ce surcroît de corporéité va de pair avec l’aptitude exacerbée et paradoxale de la dépouille à évoquer la vacuité et, ce faisant, à convoquer la présence de l’absent en générant ce que Derlon et Jeudy-Ballini, se référant à des artefacts mélanésiens décrivent fort bien une expérience intrusive, déstabilisante, vécue sur le mode de l’emprise », c’est-à-dire un tel assujettissement de la personne qu’elle s’assimile parfois à une agression » 2010 78-79. Dès lors, l’opérateur d’efficacité » de ces objets-là, c’est-à-dire leur capacité à provoquer le saisissement des spectateurs et, par là, à présentifier des instances surnaturelles », se fonde sur la qualité esthétique distinctive qu’on leur reconnaît ibid.. En ce qui concerne le cadavre, on peut postuler que c’est son aspect hideux exemplaire qui génère une semblable expérience tout aussi intense. Dans les deux cas, l’inquiétante étrangeté se dégageant de ces choses » procède de la matérialité qui leur est propre c’est elle qui, en leur permettant d’incarner une présence énigmatique, les rend aptes à la fois à évoquer et à convoquer les forces invisibles qu’elles sont censées manifester. Les soubassements physiologiques de l’effroi 18Les artefacts mélanésiens évoqués par Derlon et Jeudy-Ballini, lorsqu’ils sont exhibés, provoquent parfois des réactions affectives d’une telle ampleur qu’elles sont ressenties comme ayant la potentialité de menacer l’autonomie mentale de certains spectateurs. Si elles sont assimilées à une agression c’est que, dans cette aire culturelle, ce qui affecte les sens – la vue, l’ouïe, l’odorat – agit sur le corps » ibid., Jeudy-Ballini, 1999, 2004. On voit donc que les objets cultuels produisent des effets patents, physiques et psychiques, que l’on peut rapprocher de ceux suscités par la dépouille en voie de décomposition d’un familier ou d’un semblable. Avant de me pencher sur la nature des propriétés sensibles de ces actants » Latour, 2006 qui conditionne, sans nul doute, de telles réactions, je vais d’abord chercher à cerner les soubassements physiologiques de ces dernières. Photo 1. Ce qui lui ressemble encore © Marika Moisseeff 19De mon point de vue, toute expérience émotionnelle est induite par des sensations physiques que je qualifierais de cénesthésiques et qu’il convient de distinguer des perceptions. Les premières correspondent à des ressentis corporels suscités par la stimulation de récepteurs situés dans les organes internes dont le fonctionnement dépend, non de la motricité volontaire régie par le système nerveux somatique, mais du système nerveux dit autonome ou neuro-végétatif, ou encore neuro-viscéral. Celui-ci régit les fonctions vitales de l’organisme respiration, circulation, sécrétions glandulaires, digestion, thermorégulation en en assurant l’homéostasie interne et son contrôle est, en principe, indépendant de la volonté. Pour aller à l’essentiel, je dirais que, lors d’un stress ou d’une attaque de panique, ce que j’appelle sensations cénesthésiques renvoie aux phénomènes physiologiques suivants contraction ou relâchement des intestins ou de la vessie, nausées et/ou vomissements, étourdissement, bourdonnements d’oreille, augmentation ou diminution des fréquences cardiaque et respiratoire, de la chaleur, hypersudation. Lors de situations moins extrêmes, ces réactions viscérales, bien rendues en anglais par l’expression gut feeling, paraissant venir des profondeurs de l’être » Larousse en ligne parce qu’elles sont indépendantes de la volonté et, en apparence, irraisonnées, sont associées à l’intuition. Selon moi, elles correspondent aux excitations endosomatiques » rattachées à la pulsion freudienne Laplanche et Pontalis, 1981 [1967] 411, et sont à la base de la qualité de l’affect ressenti lors d’une situation donnée et, donc, de l’interprétation comme de la mémorisation de celle-ci. Les perceptions sont quant à elles, avant que d’être intériorisées, suscitées par des stimuli externes affectant nos organes des sens et c’est pourquoi la neurophysiologie les range dans la catégorie de l’extéroception. Les perceptions peuvent, bien entendu, engendrer des sensations cénesthésiques de plus ou moins grande intensité. Les unes et les autres ne recouvrent peut-être pas strictement les déterminants internes – du dedans – et externes – du dehors – sous-tendant l’hétérogénéité du vécu que Bataille associe à l’expérience du sacré. Les sensations cénesthésiques rendent néanmoins bien compte de l’aspect essentiel de sa composante organique, si chère à cet auteur qui accordait précisément le primat à la sensation pour accéder à la connaissance. Elles ont, de fait, l’avantage de se démarquer radicalement des catégories homogènes que sont les représentations formelles auxquelles les sciences sociales tendent à se cantonner et qui sont, selon Bataille, tout à fait inadéquates pour exprimer ce qu’il en est de l’expérience religieuse », ce pourquoi il les fustigeait. Photo 2. Ce qui ne lui ressemble plus © Marika Moisseeff 1 Je suis redevable à Maurice Bloch de m’avoir fourni les références des travaux de Rozin. 2 Comme le relève l’un de mes évaluateurs anonymes, la réglementation funéraire et les modalités [a ... 20Il est donc, de ce point de vue, pertinent de remarquer que la confrontation avec un cadavre provoque de manière quasi systématique des réactions viscérales dont l’un des ressorts majeurs serait le dégoût Rozin et al., 2008 7611. Les deux déclencheurs essentiels de la répulsion sont, d’une part, la vision, d’autre part, l’odeur fétide, souvent qualifiée de méphitique. Cette odeur coïncide, bien évidemment, avec la décomposition du corps elle donne consistance, en l’extériorisant, au processus interne sous-jacent mais, tout en le rendant perceptible, elle reste elle-même invisible. Les conditions sont donc remplies pour qu’elle soit éprouvée comme le facteur subtil de contiguïté entre le mort et le vivant, d’autant plus qu’elle contribue grandement aux effets bien réels, parce que physiquement ressentis, du premier sur le second, devenant en quelque sorte le véhicule de la contamination de l’un par l’autre. Le défunt est ainsi l’agent qui simultanément subit des effets organiques et en impose, faisant ingérence dans l’autre par la contagion opérée par sa transmutation. Aux effluves très palpables, quoiqu’invisibles, s’exhalant de la putréfaction charnelle, correspondent, en effet, pour celui qui en est le récepteur, les réactions très concrètes émanant de ses propres entrailles qu’il va pouvoir mettre au compte de l’objet inerte qui lui fait face2. On comprendra donc que ces réactions puissent être aisément mises au compte du pouvoir d’influence et d’action de la dépouille auquel il sera tout aussi facile d’attribuer une intention ; une intention qui viendra recouvrir l’assourdissant silence de ce corps ostensiblement muet. Le cadavre ainsi transformé en agent défie les distinctions conventionnelles entre sujets et objets, personnes et choses » Krmpotich et al., 2010 380. 21Les sensations cénesthésiques que les ethnologues tendent très largement à négliger doivent, selon moi, être mises en rapport avec la puissance conférée au cadavre et, par là, à d’autres objets cultuels dont la plastique, résultat ou non d’un procédé spécifique de fabrication, et/ou le mode de manipulation permettraient d’engendrer des sensations similaires. Elles participeraient au brouillage des frontières entre objet et sujet, en effaçant la possibilité d’accoler ces entités à un référent stable, univoque et ordinaire. C’est pourquoi la question cruciale préalable qu’il faut, me semble-t-il, poser pour retrouver les principes de l’efficience de ces choses matérielles – cadavre et objets – n’est pas, et là je détourne à mon profit la formule de Krmpotich et al. concernant les ossements 2010 373, que font les gens avec le cadavre ? », mais plutôt qu’est-ce que fait le cadavre aux gens ? ». Car, comme nous l’avons vu, le cadavre a effectivement la capacité de faire des choses aux vivants, c’est-à-dire qu’il est possible de lui attribuer une agentivité en dépit du fait qu’il est a priori dépourvu d’animation. Et, sans nul doute, cette qualité d’agent a quelque chose à voir avec ses propriétés sensibles, c’est-à-dire avec ce qui émane de sa matérialité spécifique. Un macchabée qui nous f’ra dégueuler » 22L’expressivité d’une personne, des traits de son visage à ses paroles, permet de lui attribuer une subjectivité. Cette expressivité, au moment du trépas, se fige. Le corps devient pure matière vouée, si on laisse libre court à son sort inéluctable, à la corruption. Il se transmue alors en un objet encombrant et importun car ce qu’il exsude gêne infiniment les sens. Pour preuve, l’extrait d’entretien avec le réalisateur Alain Jaubert sur ses repérages à l’Institut médico-légal de Paris Et la première sensation réelle, c’est l’odeur. [...] ça perturbe énormément, les odeurs de cadavre [...] J’ai senti d’abord cette odeur [...] qui est très très forte. C’est une odeur de viande en décomposition. [...] Il y a une violence [...] très forte. Par exemple, plusieurs jours après, je ne pouvais pas manger de viande, l’odeur de viande me rappelait cette odeur. [...]. La seconde sensation a été sur la couleur. Ça m’a beaucoup frappé [...]. [Les morts ont] des couleurs [...] assez violentes Hennig, 2007 [1979] 135-137. 3 Un exemple emblématique en est The Body Snatcher de Stevenson 1998 [1884]. 23Face à ces dépouilles dont l’expressivité est réduite à la pestilence et à la modification de l’aspect des chairs, s’il est un corps de métier, en Occident, dont les membres ont la réputation d’être naturellement à l’aise, c’est bien la médecine. Du point de vue des profanes, ces professionnels, et notamment les anatomopathologistes et les légistes, sont censés conserver leur sang-froid en toutes circonstances. Vu sous cet angle, la manipulation du cadavre est un acte essentiellement technique se confinant à une pratique distancée et sans état d’âme Moisseeff, 2013a. Et, il faut bien dire que le folklore carabin, tout comme les séries télévisées ou les romans policiers abordant le sujet, tendent à renforcer ce stéréotype. Pourtant, la frayeur éprouvée par les médecins est un motif que l’on trouve dans les récits recueillis auprès de spécialistes en exercice cf. supra ou la littérature britannique du xixe siècle3. En outre, si des recherches récentes montrent que la pratique de la dissection tend effectivement à diminuer, chez les étudiants en médecine, le malaise ressenti en touchant un corps mort déjà refroidi, elles soulignent aussi qu’elle n’atténue en rien leur répulsion à toucher le corps encore chaud d’un défunt Rozin, 2008a. Quoi qu’il en soit, toutes les études convergent pour affirmer que l’impassibilité apparente, s’accompagnant très souvent du maniement d’un humour particulier à caractère défensif, de professionnels patentés est le résultat d’un apprentissage que les impétrants affrontent avec crainte Segal, 1988 ; Godeau, 1993, 2007. Photo 3. Une dissection © Collection privée 24Pour donner encore plus de consistance à ce qu’il en est des sensations cénesthésiques ressenties en regard des propriétés sensibles des corps de personnes récemment décédées, je citerai ici les propos recueillis auprès d’une interne ayant pratiqué des dissections dans un service d’anatomie pathologique Ce qu’on craint, c’est de s’infecter [...]. on se protège quand même le nez pour pas respirer trop de cochonneries, parce qu’en plus, ça sent très mauvais [...]. L’odeur est tellement forte, [...] [elle] s’imprégnait sur mes mains, si bien que quand je portais ma fourchette à la bouche, je ne pouvais plus du tout manger. [...] j’ai pas mangé de viande pendant six mois [...] c’était trop pénible. [...]. C’est jaune verdâtre. C’est pas une belle couleur, dès que vous êtes chez un cadavre, tout devient horrible rires. [...] c’est tellement dégoûtant qu’on n’a pas tellement envie de rigoler. On rigole comme ça, on rigole parce qu’on a tellement peur qu’on se défend comme on peut... C’est quand même assez dégoûtant. C’est de la viande qui pourrit. Après, on s’habitue davantage. Mais quand même, chaque fois que le cadavre arrive [...], il se passe quelque chose. – Même six mois après ? – À chaque fois. [...], j’appréhendais [...]. J’avais peur. Enfin, je savais bien que la personne n’allait pas se mettre debout, mais qu’est-ce que j’allais voir ? [...] une fois qu’on a tout pris, tout découpé, on remet tout dedans en morceaux. C’est horrible. Horrible, horrible, horrible. On est tellement mécontent et agressif, parce qu’on en a ras le bol, qu’on jette tout avec vraiment beaucoup de méchanceté dans ce cadavre avec plaisir, [...] et après, on jette nos gants dedans rires de rage, [...] On dit, il l’emportera pas au paradis ... [...] ce qui m’a frappée, [...] c’est le mélange des couleurs. Des couleurs compliquées, [...] c’est pas des couleurs pures. [...] Hennig, 463-481. 25Ces paroles entrent en résonance avec ce que nous dit Miller quant à la spécificité du dégoût The idiom of disgust consistently invokes the sensory experience of what it feels to be put in danger by the disgusting, of what it feels like to be close to it, or touch it. Disgust uses images of sensation or suggests the sensory merely by describing the disgusting thing so as to capture what makes it disgusting. Images of sense are indispensable to the task. We thus talk of how our senses are offended, of stenches that make us retch, of tactile sensations of slime, ooze, and wriggly, slithering, creepy things that make us cringe and recoil. [...] no other emotion forces such concrete sensual descriptions of its object 1997 9, cité in Pachirat, 2011 286. 26On notera, à ce sujet, l’analogie des propos, concernant la prégnance des odeurs et des couleurs, tenus par le profane cité auparavant et par l’initiée. On relèvera, par ailleurs, la structure paradoxale de l’énonciation de cette professionnelle. Elle met, en effet, en évidence à la fois la réification, par le biais du ça » – ça pue, c’est horrible –, et son échec lorsque revient la personne » qui pourrait se relever et que l’on finit par punir avec plaisir » et beaucoup de méchanceté » pour avoir infligé tant de souffrance et d’angoisse dont le praticien insiste sur la persévérance en dépit de l’expérience acquise. La personne morte continue donc à agir mais d’une tout autre manière que celle qui est habituelle à un être humain ce n’est pas l’être parlant qui s’exprime mais une matière crue – une viande » – en train de se liquéfier dont l’expressivité uniquement sensorielle ne peut avoir pour seules réponses, du côté de son destinataire, que d’âpres sensations. Son miasme imprègne celui qui la manipule et en s’exhalant, tel un spectre invisible s’insinuant dans son corps par la bouche, altère son sens du goût au point de modifier durablement ses habitudes alimentaires. Tout se passe comme si le cadavre mortifiait littéralement son bourreau tandis que celui-ci lui insuffle la vie, n’ayant alors d’autre recours, pour tenter de s’en débarrasser, que de le tuer symboliquement une deuxième fois avec les instruments qui les ont mis en contiguïté physique, les gants et vlan, il l’emportera pas au paradis ». Pas de doute donc, le cadavre est un agent qui opère par contagion et, à l’acuité de son expressivité organique, répondent les termes acerbes qui lui sont adressés il agresse et est agressé en retour. Ce dont témoigne magistralement la fameuse chanson de salle de garde que nul médecin n’est censé méconnaître et dont je ne retiendrai ici que le contenu sémantique d’une de ses variantes Dans un amphithéâtreY’avait un macchabéeQui sentait fort des piedsCe macchabée disaitCe macchabée gueulait Ah ! c’qu’on s’emmerde ici »On va le disséquerAvec un spéculumOn en f’ra du pâtéQui nous f’ra dégueuler 27Au travers de l’euphémisme de la puanteur des pieds, c’est, d’une part, la prégnance de la pestilence qui est ici encore soulignée en premier et, d’autre part, le fait que si les premiers patients sur lesquels sont conduits à s’exercer les étudiants en médecine arrivent les pieds devant, leur pouvoir sensoriel leur confère, néanmoins, l’aptitude à se relever d’entre les morts pour aller les tourmenter. Et c’est bien, alors, leur aptitude à susciter une répulsion grandissante qui permet de leur concéder une parole qui va s’amplifiant le macchabée dit, puis il gueule à l’unisson de l’intensité croissante des sensations qu’il fait ressentir. Ainsi, par la grâce opérée par l’humour, le martyre subi par le macchabée se mue en martyre de ses tortionnaires. 4 Les travailleurs du funéraire restent révulsés tout au long de leur carrière par l’aspect des cadav ... 28La figuration d’un cadavre qui s’emmerde » évoque plus sûrement, pour ceux qui sont à même d’en saisir intuitivement le sens, le fait que c’est la liquéfaction de ses matières, entre autres fécales, qui emmerde4 ». Et si on menace de le disséquer avec un spéculum, et non avec le scalpel utilisé dans les faits, c’est que l’hyperbole exprime beaucoup mieux la fonction transgressive assumée par les médecins consistant à violer l’intimité des corps, vivants et morts. Le spéculum sert, en effet, à regarder à l’intérieur du sexe de la femme, à jeter un œil sur cette origine du monde si énigmatique d’où jaillit la vie. Mais pour avoir le droit d’accéder à ce secret, il faut d’abord ingérer » métaphoriquement du cadavre, c’est-à-dire dépasser la réticence naturelle à aller fouailler dans les entrailles. De fait, la mortification du macchabée le dote de la faculté redoutable de faire dégueuler les novices qui ont charge de le transformer en pâté », cette bouillie si peu ragoûtante à laquelle aboutit la dissection. Or une telle éventualité, si elle se réalisait, pourrait faire douter de la capacité à devenir médecin » Godeau, 1993 85. Ainsi, quoique toujours envisagée, elle reste difficilement avouable sinon sous couvert d’un hymne dont la tonalité joyeuse et rigolote masque aux profanes la vérité de l’expérience vécue. 29Envisagé sous cet angle, le cadavre apparaît comme l’objet fondamental utilisé dans le rite inaugural de la trajectoire initiatique que doivent emprunter ceux qui se destinent à assumer ce que l’ethnologue pourrait avoir intérêt à reconnaître comme la sacralité de la fonction médicale Moisseeff, 2013b. Le corps, matière et instrument des rites médicaux 5 Segal ibid. et Godeau ibid. 92 ont tout deux observé l’assimilation établie par les apprentis ... 30La référence précédente au spéculum en lieu et place du scalpel exprime on ne peut mieux le caractère obscène d’une pratique dont la chanson est un condensé elle consiste effectivement à traiter le corps d’un défunt comme un morceau de viande au point que les employés du laboratoire d’anatomie et de la morgue sont parfois appelés “les garçons bouchers” » Godeau, 1993 89. Mais si cette chanson est emblématique de la profession médicale, c’est que ses officiants ont, de façon beaucoup plus générale, la tâche sacrilège de faire intrusion dans l’intimité de leurs patients. Ils leur demandent tout de go de se déshabiller afin d’accéder directement à leur corps qu’ils sont légalement habilités à regarder dans toute sa nudité, à allonger, à toucher et palper, à investiguer dans ses moindres recoins en pénétrant, par exemple, ses orifices, ou en lui infligeant parfois des traitements douloureux. Et lorsqu’ils souhaitent avoir un accès encore plus libre à ce corps, ils l’anesthésient et l’ouvrent pour voir et manipuler ce qui est à l’intérieur. Et pour pouvoir maîtriser ce corps qui est la pièce maîtresse des actes médicaux Moulin, 2006, il faut l’appréhender comme une chose, en faisant abstraction de la subjectivité dont elle est dotée. L’objectivité du praticien est au prix de la désubjectivation de la matière sur laquelle il opère Segal, 1988. C’est pourquoi la dissection et l’autopsie des cadavres constituent, après la réussite du concours d’entrée en médecine, les étapes successives préliminaires à l’apprentissage clinique proprement dit. Et lorsque j’ai fait mes études de médecine, nous étions ensuite amenés, au cours de notre première année d’externat, à effectuer des stages de chirurgie. À n’en pas douter, donc, l’apprentissage médical est centré, non seulement sur le corps mais, surtout, sur l’acquisition de la capacité à contrôler ses émotions face à une matière qui n’est jamais indifférente, et ce d’autant moins, paradoxalement, qu’elle est immobile. Les corps figés, par la mort ou l’anesthésie5, deviennent des objets ambigus dont émane une force telle qu’elle est, comme le dit Agnès Pataux des fétiches africains, incitatrice à éviter les faux-pas » 2010 13. Artefact rituel et objet charnel imposent donc du fait de leur matérialité propre une même focalisation de l’attention on ne peut les manipuler qu’avec les plus grandes précautions. Mais l’opérateur d’efficacité du corps repose plus particulièrement sur ce qui en est la condition le dévoilement transgressif de l’intime qui atteint son point ultime lorsqu’il aboutit à la dénudation des chairs telle qu’elle est réalisée par les actes chirurgicaux et surtout l’autopsie ou la dissection. 31Ce surgissement de l’excès de présence incarnée se produit, pour les profanes, au moment du trépas mais aussi de la naissance et il les terrifie Devant le nouveau-né, comme devant le mort, la même panique saisit, le même affolement, on ne sait que faire et on a peur » Verdier, 1979 103. L’épouvante doit selon moi être rattachée aux sensations cénesthésiques particulièrement violentes suscitées par la réduction du corps à la crudité des matières qui le composent. Ainsi, lors de l’accouchement, le jaillissement du corps du bébé, en soi déjà très saisissant, s’accompagne, en effet, de l’expulsion du placenta et d’autres substances olfactivement offensives telles que sang, fèces et liquide amniotique. La parturition expose, en outre, le sexe de la mère renforçant ainsi l’indécence de la révélation de l’intime organique pour ceux qui en sont témoins. L’exhibitionnisme auquel est réduit le défunt est, quant à lui, remarquablement décrit par Milan Kundera Voici encore un instant on était un être humain protégé par la pudeur, par le sacré de la nudité et de l’intimité, et il suffit que vienne la seconde de la mort pour que notre corps soit soudain à la disposition de n’importe qui, pour qu’on puisse le dénuder, l’éventrer, scruter ses entrailles, se boucher le nez devant sa puanteur 1987 [1978] 278. 32La naissance et la mort imposent donc une relation immédiate et directe avec l’irréductible hétérogène du réel organique, facteur d’angoisse irrépressible à l’origine, selon Bataille, de l’expérience du sacré. De fait, l’irruption de l’inquiétante étrangeté liée à la transformation du familier en tout autre, et plus précisément en cette chose répugnante parce que réduite à un objet purement charnel, plonge les proches, comme le rappelle Yvonne Verdier, dans le désarroi. Ce qui les impressionne, au sens fort, c’est l’intuition de franchir sans le vouloir un interdit fondamental, celui d’accéder à ce qui devrait rester à tout jamais caché et qui cependant, en ces occasions singulières, s’offre sans défense possible à l’acuité de leurs sens. D’où la nécessité ressentie, dans nombre de sociétés, de recourir à un tiers pour médiatiser la relation des proches avec le nouveau-né ou le défunt. À une époque où l’on naissait et mourait la plupart du temps à domicile, ce tiers était souvent une femme à qui revenait la tâche de faire » les bébés et les morts ; une tâche consistant, pour l’essentiel, à les nettoyer, que l’ethnologue qualifiait de domestication et d’humanisation, de socialisation » Verdier, ibid. 105. 33Dans la plupart des sociétés occidentales contemporaines où la gestion des corps revient à la médecine, cette tâche est déléguée au personnel des organismes de santé. Un sacré compatible avec la laïcité 34La conception du sacré à laquelle je me réfère est en phase avec celle de Bataille qui s’est lui-même inspiré de certains travaux ethnologiques 1957. Dans cette perspective, le sacré est rattaché à la transgression, c’est-à-dire au franchissement d’une frontière séparant ce qui peut être montré ou fait en des circonstances ordinaires et ce qui ne peut l’être qu’en des occasions exceptionnelles, voire illicites. Lorsque cette frontière est violée, le secret de ce qui doit habituellement être tenu à distance des sens est révélé la chose est exposée sans fard, c’est-à-dire sans l’interposition de ses représentations ou de ses voiles de convenance. On est alors dans l’extraordinaire qui peut être organisé comme tel au moyen de conventions socialement reconnues comme il est de règle au cours de cérémonies religieuses, mais aussi de l’examen médical ou des interventions chirurgicales ou médico-légales. 35L’exhibition de l’intimité corporelle est, de fait, celle qui est la plus susceptible de renvoyer à une transgression. C’est pourquoi il y a une contiguïté entre le sacré et, d’une part, les actes sexuels, d’autre part, la mort, tous pouvant se trouver conjugués dans des circonstances extrêmes, ce à quoi renvoie l’imagerie des œuvres de Sade, Bataille et Guyotat. Ce qui lie ces phénomènes est la présence excessive et sans médiation de la chair. De ce point de vue, le sacré renvoie à l’exhibition de l’intimité physique telle qu’elle est mise en place dans les rites où le corps est dénudé, soumis à des mutilations plus ou moins conséquentes, et où ses fluides ou excreta sang, sperme, urine, fèces jouent un rôle essentiel. Il en va ainsi dans des contextes culturels tels que celui des Aranda où des opérations parfois extrêmement sanglantes sont pratiquées sur les corps par les seuls initiés au cours de rites estimés des plus sacrés, ce pourquoi il est strictement interdit aux profanes d’y assister. Dans cette perspective, les blocs opératoires et les morgues renvoient à des lieux où le sacré est également à l’œuvre. 6 Dans cet article cité, en reprenant la définition de la religion proposée par Durkheim dans Les for ... 36De fait, les ethnologues travaillant dans des sociétés où le terme de religion ne renvoie, à l’origine, à aucun vocable indigène, rangent dans le registre du religieux, non seulement les croyances en des entités ou principes invisibles, mais également tous les phénomènes peu ou prou ritualisés. Or, dans ces contextes, le rite met en jeu le corps qui est tout ensemble son outil et sa matière » Fabre, 1987 4 et, bien entendu, ceux qui entourent la naissance et la mort y occupent, en général, une place de choix. Dans l’ensemble des sociétés occidentales d’aujourd’hui, ce type de rites renvoie aux pratiques médicales. Vu sous cet angle, les organismes de santé constituent les lieux d’un culte qui, bien que qualifié de laïc par les indigènes, n’en est pas moins le cadre de la mise en place, depuis l’émergence du biopouvoir Foucault, 1997 [1976], d’une religion centrée sur le corps Moisseeff, 2013b6. Les actions rattachées à ce culte sont rigoureusement encadrées par des législations restrictives punissant les dépassements aux transgressions qui y sont légalement autorisées et, pour cela même, déléguées à des officiants légitimés dans leur fonction par une initiation spécifique. 37L’initiation suivie par ceux qui occupent le haut de la hiérarchie, les médecins, consiste en tout premier lieu, comme nous l’avons vu, à les confronter à la mort qu’ils auront charge de combattre, en les introduisant ainsi d’emblée à l’aspect sacré de l’intrusion dans l’intimité des sujets qui est à la base du culte médical. Cet apprentissage se poursuivra, pour ceux ayant réussi le concours de l’internat, par ce qui renvoie au folklore des salles de garde. Sexe et pornographie y sont conviés et permettent de transgresser, en l’inversant, ce qui constituait la stricte discipline imposée aux officiants de la religion traditionnelle sous couvert de la continence sexuelle, voire de la virginité. Les rites ouvrant et fermant le temps de l’internat sont eux-mêmes sacrilèges vis-à-vis de la liturgie chrétienne et c’est pourquoi, bien que fondés sur la débauche, ils sont appelés baptême et enterrement. De fait, ce parcours initiatique dont la coutume a pris pied, en France, au début du xixe siècle Godeau, 2007, au sein même des temples de l’exercice, à savoir les hôpitaux, a permis à un personnel laïque d’en évincer progressivement les religieuses chrétiennes, seules jusque-là à y soigner les malades indigents Lalouette, 1991, 2006 ; Knibiehler, 1984 ; Huguet-Duguet, 1982. Dans ces institutions, ces initiés ne peuvent opérer sur le corps et ses constituants que dans des enceintes réservées à cet effet dont l’entrée est strictement interdite, hormis le patient concerné alors appréhendé comme un objet, aux non-initiés. Les matières manipulées et les instruments utilisés y sont considérés comme potentiellement, voire effectivement, contagieux, ce pourquoi ils sont soumis à des procédures de décontamination. 38L’objet le plus sacré de cette religion laïque est donc, à n’en pas douter, le corps, ce que mettent bien en évidence l’émergence récente et l’importance reconnue à la bioéthique et la référence à la nécessité de préserver la dignité humaine dans le cours d’actes médicaux de plus en plus intrusifs en recourant, dans la jurisprudence, aux notions d’inviolabilité et de sacré si problématiques dans un état laïque Gasnier, 2012 232 que les juristes leur substituent parfois, dans les textes de loi, des termes empruntés à la langue liturgique s’il en est qu’est le latin Baud, 1993. De fait, l’article 16-2 du Code Civil précise que Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort ». 39Cette consécration de la sanctuarisation du corps humain » Gasnier, ibid. 232 repose sur la préséance accordée à l’individualité physique pour fonder l’identité personnelle dans les sociétés occidentales contemporaines. On en prendra pour preuve la prégnance croissante des critères d’identification biométrique. En effet, le corps est une entité munie de limites suffisamment claires pour que leur visualisation, via l’échographie obstétricale, incline à reconnaître aujourd’hui au fœtus des droits élargis, de même que, depuis quelque temps déjà, l’accouchement est censé opérer une coupure suffisante entre la mère et l’enfant pour que celui-ci soit vu, dès la naissance, comme une personne à part entière. De ce point de vue, la prise en charge du corps par des organismes de santé participe de la religion laïque centrée sur le culte de l’homme anticipée par Durkheim 1914. De l’immortalité des corps dans l’Occident contemporain 40Dans les sociétés occidentales où le corps est devenu la référence première de l’identité personnelle, le cadavre semble avoir acquis un statut de plus en plus comparable à celui assigné au churinga chez les Aranda. En effet, en consacrant la sanctuarisation du corps humain », la loi a, dans le même temps, proclamé la nature sacrilège de toute atteinte au corps y compris après la mort ». Ce constat est d’autant plus remarquable que jusqu’à une période récente, en dehors des dispositions relatives aux funérailles », le cadavre n’intéressait pas le droit Gasnier, ibid. 230. La loi traitait la dépouille d’un simple mortel comme une chose, certes particulière mais néanmoins dépourvue de toute personnalité juridique. Aujourd’hui, en conséquence des pouvoirs sur les matériaux humains concédés à la biologie, l’origine et le terme de la trajectoire d’un sujet ont tendance à s’étendre en deçà et au-delà de ce qui la bornait traditionnellement la naissance et la mort. En effet, les nouveaux textes de loi ne protègent pas seulement le cadavre, au sens où nous pourrions l’entendre classiquement, à savoir le corps dans un état de décomposition plus ou moins avancé, sur lequel on peut cependant encore reconnaître la forme d’un corps humain, mais également les ossements, les cendres issues du corps, ou des parties de corps » ibid. 232. De manière corrélative, nous avons les plus grandes difficultés à nous séparer de nos défunts, ce dont témoigne l’injonction paradoxale au devoir de mémoire et au travail de deuil. 41Tout se passe comme si la gestion des corps au sein des organismes de santé avait permis de leur conférer une forme d’immortalité. En ayant développé les moyens de prolonger médicalement et ad vitam aeternam la vie organique, ils sont effectivement à même de maintenir entre la vie et la mort des individus en fort mauvais état, voire dont la mort cérébrale a été prononcée et qui pourront ainsi faire l’objet de prélèvements pour suspendre l’arrêt de mort pesant sur d’autres individus. Pour se débarrasser de ces corps devenus potentiellement immortels, on se retrouve donc devant l’obligation d’édicter de nouvelles lois autorisant l’euthanasie. Parallèlement à cet état de fait, on constate, d’une part, la multiplication des fictions mettant en scène zombies, vampires et autres morts-vivants, d’autre part, la propension à transformer le cadavre en artefact artistique particulièrement valorisé et subversif Carol, Renaudet, 2013 ; Walter, 2004a & b. Les expositions de cadavres plastinisés de Von Hagen en sont l’illustration la plus flagrante. En effet, si elles ont donné lieu, du côté des intellectuels et des décideurs publics, à nombre de polémiques, elles ont plutôt suscité l’admiration béate, voire une fascination quasi religieuse, du côté du grand public, certaines personnes s’étant portées volontaires pour devenir après leur mort l’objet de ce nouveau culte des reliques très incarnées Walter, 2004a. 42On voit donc qu’il est possible de reconnaître à cet objet cultuel naturel qu’est le cadavre les qualités requises permettant de l’instituer en artefact pérenne à l’instar du churinga. Mais on relèvera que chez les Aranda, le churinga, à la différence de la dépouille mortelle vouée à terme à une dissolution irrémédiable, est le seul élément ayant supporté l’identité spécifique du défunt qui, parce qu’il est doté d’une nature inaltérable qualifiée d’éternelle, est jugée digne de continuer à l’évoquer au-delà de la mort. Par contraste, dans les sociétés occidentales contemporaines telles que la nôtre, on a remplacé la discontinuité de la personnalité juridique par sa pérennité si bien que la personne humaine qui a été longtemps conçue comme l’usufruitière de son corps, de son vivant, semble en avoir obtenu, ces derniers temps, la nue propriété perpétuelle dès son décès. Par conséquent, le corps, cet objet qui a tant de difficultés à expirer, est susceptible de conférer à l’individu une éternité quasi similaire à celle conférée, chez les Aranda, au churinga.

dans un amphithéâtre y avait un macchabée